De Platon à Aristote, de Saint-thomas d’Aquin à Kant, d’une vision chrétienne à une conception juridique, peut-on universaliser et adopter une commune appréciation du principe de dignité humaine espérant obtenir une véritable efficacité face à l’indignité ?
Emmanuel Kant, dans la Métaphysique des mœurs, apporte une approche fondamentale de la notion de dignité humaine. Il tente de répondre à une question essentielle : qu’est ce que la dignité humaine ? Etymologiquement, le terme vient du latin« dignitas » et du grec « axia » qui signifie valeur, ce qui mérite l’estime et l’honneur, ce à quoi ou à qui l’on doit un certain respect, ce qui importe grandement. L’interprétation de la notion a entrainé deux visions très différentes.
D’un côté, la dignité serait liée à l’homme, à sa qualité d’être et donc elle serait rattachée à l’humanité dans sa globalité. De l’autre, la signification serait profondément liée à l’idée de société, à une hiérarchie de classe de sorte que la dignité correspondrait à un titre, une fonction ou encore une attitude empreinte de noblesse et de gravité, elle marquerait par conséquent une différence entre les hommes. Dès son origine même, le concept serait donc emprunt d’un fort paradoxe.
Il est bien connu que la philosophie morale de Kant est toute pénétrée d’une foi inébranlable dans la dignité de la nature humaine
Kant a ainsi revendiqué sans ambiguïté la liberté humaine et, respectant la dignité humaine, renvoyé l’aperception de cette liberté au domaine de la subjectivité, dont il est principalement traité dans la Critique de la raison pratique (1788). La conclusion de cette Critique commence en ces termes : «Deux choses remplissent le coeur d’une admiration et d’une vénération toujours nouvelles et toujours croissantes, à mesure que la réflexion s’y attache et s’y applique : le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi.»
Il règne actuellement une double confusion au sujet de la dignité. La première concerne la relation que l’on peut avoir avec son sens, la seconde celle que l’on peut avoir avec son usage.
S’agissant de son sens, il est fréquent d’utiliser le terme de dignité alors que l’on entend par lui autre chose. Il importe de le rappeler. Lorsque Kant définit remarquablement la notion de dignité en s’intéressant aux fins ultimes de l’humanité, il explique que la dignité réside dans le fait que la vie humaine a plus qu’une valeur. Elle est sans prix. Kant veut dire par là que, la Raison étant ce que l’humanité possède de plus précieux au monde, l’Homme, qui est le porteur de la Raison, doit être respecté comme une fin en soi et non comme un moyen. D’où la dignité de l’Homme.
En conséquence de quoi, tout ce qui se sert de l’Homme comme un moyen, même pour la plus noble des causes, ne respecte ni la Raison ni l’Homme.
Ainsi si la notion existe depuis des siècles, parcourue par la Grèce antique, le christianisme, le judaïsme, autre religion et courant philosophique, aucune définition unique n’a réussi à émerger. Kant, fameux philosophe allemand né en 1727, apporte une contribution essentielle à l’évolution de la notion de dignité humaine.
Dans le débat public d’aujourd’hui, la notion kantienne de dignité de la personne humaine est plutôt utilisée de façon paternaliste, non pour régler le rapport aux autres mais pour protéger les gens d’eux-mêmes.
En conclusion, peut-on alors légitimement se demander si cette notion : Sert à renforcer nos droits fondamentaux ou à les affaiblir? A étendre nos libertés individuelles ou à les limiter? Peut-on parler d’instrumentalisation?
Pour aller plus loin :
Le droit chez Kant » via CanalU : Conférence
Michel Onfray explique Emmanuel Kant :
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