« Amours et mariages en France d’autrefois »

Férus de traditions ? J’ai pour vous ce billet intéressant !

Je vous propose de partir à la découverte de coutumes et rites, en matière matrimoniale.

Les différentes sources pour la rédaction de ce post m’ont permis de revisiter les écrits des folkloristes, à commencer par l’un des plus importants : le savoyard Van Gennep. Cela au travers de l’excellent et imposant recueil « Amours et Mariages en France d’autrefois », publié en 2004 aux éditions Archives et Culture. Mais également, à l’aide des ouvrages suivants : « Les trois bagues aux doigts, Amours villageoises au XVIIIe siècle », publié chez R.Laffont en 1989, « Les amours paysannes XVIe-XIXe siècle », publié chez Gallimard en 1975.

Bien entendu, il s’agit ici d’une « compilation » si je puis dire de ces anciennes coutumes, et je vous invite, si cela vous intéresse à consulter les ouvrages susvisés qui regorgent à foison de bien d’autre particularités.

Etonnez votre famille où votre promis(e) en vous inspirant des usages folkloriques de la France traditionnelle!

En effet, la conclusion d’une alliance était autrefois le résultat de démarches très codifiées.

« On se marie pas pour soi », écrit Montaigne dans ses Essais, « on se marie autant ou plus pour sa postérité, pour sa famille. »

Au cours des XVIIe, XVIIIe, XIXe siècles, on voit le mariage d’inclination progresser au détriment du mariage de raison. Les droits sont différents du Nord au Sud de la France. Au Moyen-âge, l’Eglise impose l’idée d’un « mariage-sacrement » indissoluble que se donnent librement l’homme et la femme devant Dieu. Pendant de nombreux siècles, l’Eglise médiévale a lutté pour imposer sa conception révolutionnaire, puisqu’elle affichait l’égalité de l’homme et de la femme dans le consentement, ainsi que dans l’indissolubilité de l’union. Le droit canonique (Concile de Trente) affirme que « le mariage est un sacrement », ce qui justifie son indissolubilité, la condamnation de l’adultère et la compétence exclusive de l’église sur le plan législatif.

La révolution crée le mariage civil et le divorce : le mariage devient un contrat social dans lequel la place du maître est celle du mari. Enfin, le Code civil met l’homme à l’abri des conséquences d’une aventure amoureuse qu’il souhaite sans lendemain. Le Code civil fixe jusqu’à nos jours les bases de la législation matrimoniale : jusqu’en 1938, l’épouse y est subordonnée au mari : « Le mari doit protection à sa femme et la femme obéissance au mari ». Le 20 septembre 1792, le divorce est inventé, on définit 3 cas : par consentement mutuel, pour incompatibilité d’humeur, pour motif grave. « Mieux vaut être seul que mal accompagné », dit le proverbe. Mais autrefois, mieux valait être marié coûte que coûte plutôt que rester seul. Toute la vie économique et sociale était organisée autour du couple et bâtie sur une répartition des tâches hommes-femmes.

*Des recettes de l’époque pour trouver un mari dans l’année :

Dans l’Aude, il fallait jeter des épingles dans la fontaine de Moussey ou bien boire l’eau des sources de Bar-sur-Aube. En Bretagne, on conseillait de planter une épingle dans la Statue de Kireg près de Perros-Guirrec : si l’épingle tenait, on était assuré de se marier dans les prochains mois… Une certitude bien difficile depuis 1900, lorsque la statue de bois vermoulue a été remplacée par une statue de bon granit !

Pour les cas désespérés, lorsque la jeune fille se consumait d’amour pour un garçon indifférent, on pouvait faire appel à des recettes plus secrètes…

Dans la Drôme, les vieilles femmes des montagnes savaient, disait-on, fabriquer des filtres d’amour avec du sang de coq ou de mouton noir. La jeune fille pouvait aussi faire boire au garçon recherché quelques gouttes du sang de ses règles dans du vin ou du café : une mixture radicale, affirmait alors la tradition populaire, pour provoquer un attachement éternel… La même recette existait en Gironde, où cette pratique était encore courante vers 1900.

*Généralités :

°Le mariage est une affaire de famille : « Un bon mariage, s’il en est, refuse la compagnie et les conditions de l’amour ».

°On se marie avant de se voir… à titre d’exemple, évoquons le cas en 1749 du Mariage du marquis de Courtomer avec Louise Rose de Thiboulot , cloîtrée depuis ses treize ans.

°La dot point central du contrat de mariage : relire ici Honoré de Balzac : Le père Goriot.

°La place des beaux-parents : parfois le contrat stipule que les parents apportent la dot, mais en contrepartie ils doivent être logés et nourris chez les enfants.

Je vous propose à présent de vous évader à la découverte des coutumes et rites au fil des régions, une lecture que je vous souhaite bien agréable et amusante ! « Faire sa cour » – « La demande en mariage » – « Le jour des noces », trois repères de lecture qui vous offrirons un regard fluide sur la question. Différents liens qui vous permettront d’apprécier agréablement cette balade historique.

°ALSACE°

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Faire sa cour : Choisir son amoureux est une chose, le faire accepter par la communauté villageoise en est une autre… Si les deux jeunes gens sont du même village, cela peut encore aller, à condition qu’ils soient trouvés « bien assortis » par leurs âges et leurs fortunes : sinon, ils sont bons pour le charivari !

Les jeunes hommes se chargent d’organiser les fêtes, la coutume des « couples désignés », appelée « la done », permet en place publique d’afficher des bancs fictifs. Occasion de critique sociale qui permet de mettre à jour des relations cachées, ce jeu cruel a ses bons côtés puisqu’il aide certains amoureux, jusqu’alors trop timides à sortir de leur réserve. Cette pseudo-cérémonie s’accompagne du « Lancer de disques enflammés«  au bûcher du Carême.

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La demande en mariage : Passées les douceurs des fréquentations, les choses deviennent plus délicates lorsque la demande officielle est présentée. C’est le moment de se soumettre aux obligations du contrat. Si le contrat de mariage est important, il est en Alsace lié dans sa rédaction aux préoccupations des générations précédentes et l’on cherche même à concilier l’accord des âmes des aïeux. Cette prépondérance de l’opinion des ancêtres conduit, pour le contrat de mariage, à une curieuse tradition : dans certaines localités, on ne conçoit de faire un contrat qu’en recopiant le plus exactement possible celui de ses parents, qui est le même que celui des grands-parents, etc.

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-Le jour des noces : Ce jour de solennité et d’abondance détermine toute la vie future et porte bien son nom de « Hochzitt» qui veut dire « Haut temps », point d’orgue de l’existence… En Alsace, on est persuadé que le mariage et la vie future se dérouleront comme la journée du mariage. S’il pleut, la mariée ne cessera de pleurer toute sa vie, ou dans certains villages, au contraire cela signifie que l’argent coulera à flots et que le ménage sera fécond. Autre croyance : si soleil et pluie alternent la journée, alors cela veut dire que le diable se marie ce jour…Le festin qui suit l’échange des consentements est grandiose, une noce de 142 convives a consommé : 1200 livres de bœuf, 700 de veau, 1000 saucisses et 1440 litres de vin !

°ARDECHE°

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-Faire sa cour : Trouver l’âme soeur est partout l’un des rêves les plus chers… En Ardèche, on ne lésine pas sur les moyens, magiques ou non, pour se concilier l’aimé ! Si un homme hésitait entre épouser une jeune fille ou une veuve, pour trouver la réponse à ce problème il devait aller, vers minuit, frapper à la porte d’une porcherie. Si c’était la truie qui la première répondait en grognant, il fallait épouser la veuve, si au contraire les petits cochons se manifestaient avant leur mère, c’était la jeune fille que le sort désignait. Des pratiques magico-religieuses favorisaient le mariage autour de la Saint-Jean… On pouvait sauter trois fois le grand feu allumé ce jour là pour se marier avant un an. Ou encore mettre deux pépins de pomme sur une pelle rougie au feu. Si les deux pépins éclataient ensemble, le mariage était assuré. Il arrivait en cas de consentement frileux que le jeune homme enlève la jeune fille. Les parents craignaient alors certains rapprochements intimes pendant cette période, ce qui ne laissait que le mariage comme issue… « Se raubar »

-La demande en mariage : Ici un personnage local a l’occasion de déployer tous ses talents le « Maridaïré » ou « bâton blanc ». Une sorte d’intermédiaire officiel. Il est là pour qu’un éventuel refus ne soit pas présenté directement au jeune homme, il sert à arrondir les angles et présenter le garçon sous son meilleur jour, quand les fortunes des deux familles sont très différentes. Si le mariage se fait, il y est naturellement invité, et on lui offre un cadeau pour sa peine : chapeau, cravate, soulier, voir un costume ou de l’argent. Ce dernier doit tout de même faire face au « détracteur de mariage », autre coutume, ce dernier venait chez les parents pour médire sur le compte des futurs époux…

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-Le jour des noces : Un arc de triomphe est préparé, buis, genévrier, fleurs sont ajoutés, la décoration est très raffinée. En principe, les chaussures de la mariée devaient être achetées par le futur et à l’origine, le soulier nuptial signifiait la fixation de l’union. Le matin de la noce un garçon d’honneur dit « chausseur » apportait les souliers de la mariée et commençait par les cacher de connivence avec ses amis. Après les avoir retrouvés, il les mettait à la mariée moyennant rémunération. Cette coutume était encore en vigueur il y a quarante à cinquante ans.

°AUVERGNE°

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-Faire sa cour : Pour trouver un mari, les jeunes auvergnates vont comme partout en France faire des pèlerinages à des sanctuaires, des processions, et invoquent moult saints et saintes dans leurs prières. Mais dans le pays de la sorcellerie et des adeptes du Petit-Albert, il y a bien d’autres moyens… Quelques recettes… Ecrire sur un morceau de papier « Aumus Porte aunnus bretingué », le rouler dans du beurre et le faire avaler avant l’aube à l’aimé sans qu’il s’en aperçoive ! On se demande comment… Pour les hommes qui désirent se faire plus aimer : « Vous prenez de la moelle dans le pied gauche d’un loup, vous en faites une pommade que vous faites de temps en temps flairer à la femme, elle vous aimera de plus en plus… » On peut cueillir aussi à minuit, l’herbe de matagot que l’on pose sur l’autel, sous la nappe et à l’insu du prêtre, pour qu’il dise la messe par-dessus et la bénisse : on est alors certain d’être aimé… Autre coutume : dans le Val d’Arzon, se trouve « la terrasse des fées », sorte de minuscule belvédère aérien, formé par une roche plate, d’un mètre carré à peine. Pas un couple du pays ne s’unirait avant d’y être venu danser une bourrée…

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-La demande en mariage : Si le jeune homme se voit offrir du poulet rôti, une omelette en étant invité à tenir la queue de la poêle, le prétendant exulte de bonheur. Par contre, si l’on dresse les tisons tout droit dans la cheminée ou qu’on lui sert une peu de fromage et de noix, sa demande est refusée. Ici aussi il existe un « entremetteur », appelé le « bertrand » ou le « magnan ». La veille du mariage, le futur se rendait à la demeure de la fiancée pour lui remettre ses cadeaux et recevoir la chemise blanche qu’il porterait le lendemain. Accompagné d’un joueur de musette, il trouvait porte close et devait entonner une chanson… La porte s’ouvrait alors. Mais la fiancée, accompagnée de ses filles d’honneur, était cachée sous un drap. Le futur devait la reconnaître au toucher. S’il se trompait il ne pouvait l’avoir le lendemain à ses côtés et subissait de facétieuses plaisanteries.

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-Le jour des noces : Dans la région de Gerzat, les mariés doivent pleurer après l’église, les invités leur donnent de l’argent, ceux qui pleurent sont les plus estimés. La nuit de noce, les mariés couchent chez des amis. Bien heureux s’ils peuvent se coucher tranquillement. Parfois le lit est en portefeuille, voire garni de clochettes, où on lâche un coq sous le lit. Au cours de la nuit, on vient leur apporter dans un pot de chambre la rôtie, mélange peu ragoûtant à la vue, mais pas si mauvais, de chocolat fondu, d’œufs battus. On oblige les mariés à se lever, demi-nus et à danser…

°BERRY°

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-Faire sa cour : Pratiques rituelles, procédés de divination matrimoniale peuplent l’univers des jeunes Berrichons en quête de conjoint. Certaines jettent des épingles dans l’eau de fontaines, et voient apparaitre le visage de leur fiancé. D’autres étalent du marc de café dans une assiette : si elles doivent se marier dans l’année, les contours du visage du futur apparaît le lendemain. Le terme « inclineux » désigne celui qui courtise une belle. Ceux qui fréquentent ou font leur cour vont en blonde, blonde étant synonyme de belle. On dit, « il va voir sa blonde « pour courtiser, ou « aller en blonde » pour aller faire l’amour… En Berry, une multitude de chansons d’amour évoquent le thème de l’amour.

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-La demande en mariage : Les amoureux du Berry se devaient d’être patients. « Amener le père à marier sa fille, ou à vendre sa vigne, comme disait les plaisants du village, n’est pas l’affaire d’un instant ». La demande prononcée, les accordailles (fiançailles) suivent et les détails du mariage peuvent être mis au point. La veille du mariage, la cérémonie des livrées se déroule chez la jeune fille. Selon un rite codifié et bien connu pour les environs de La Châtre, on lui offre des cadeaux appelés livrées. En 1846, Georges Sand décrit avec maints détails ethnographiques ces coutumes nuptiales (…) « Au son de la cornemuse commence le bal qui s’éternise…Mais dans les noces », écrit Georges Sand, « il y a de rigueur trois nuits blanches, qu’on ne regrette point »…

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-Le jour des noces : Un repas très copieux dure toute la nuit dans une grange ou bergerie. « La noce s’est faite dans nos remises, on mangeait dans l’une, on dansait dans l’autre c’était un luxe que vous pouvez imaginer, trois bouts de chandelle pour illumination, force piquette pour rafraîchissement, orchestre composé d’une vielle et d’une cornemuse la plus criarde, par conséquent la plus goûtée du pays. » (G.Sand, 1827) « Le rituel du chou », Georges Sand le décrit dans Les noces de campagne (1846) : « Alors on apporte la corbeille, et le couple païen y plante le chou avec toutes sortes de soins et précautions. On l’entoure de terre fraîche, on le soutient avec des baguettes, des branches de thym, de sauge et de laurier tout autour ; on chamarre le tout de rubans et de banderoles ; on recharge le trophée sur une civière avec la païen, qui doit le maintenir en équilibre et le préserver de l’accident, et enfin on sort du jardin en bon ordre et au pas de marche (…). Arrivé dans la cour du marié, le chou est enlevé et porté au plus haut de la maison ou de la grange. S’il est une cheminée, un pignon, un pigeonnier plus élevé que les autres faîtes, il faut, à tout risque porter ce fardeau au point culminant de l’habitation. Le païen l’accompagne jusque là, le fixe, l’arrose d’un grand broc de vin, tandis qu’une salve de coups de pistolets et de contorsions joyeuses païennes signalent son inauguration. »

°BOURGOGNE°

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-Faire sa cour : « Chalander », La Chalande est un chant au rythme lent, souvent improvisé que se renvoient deux amoureux. Plus que les paroles, se sont les intonations et les rythmes qui disent les sentiments. Les amoureux peuvent discuter librement, échanger quelques baisers… Mais leurs privautés ne doivent pas aller plus loin ! La chasse « à la dahu », chasse à laquelle on envoyait les jeunots pour les rendre moins naïfs. Jusqu’en 1870 dans cette région, l’animal était féminin, et il s’agit en fait, dit-on, d’une très belle jeune fille « qui courait les bois et les roches en hurlant d’amour insatisfait ; aussi les gars tentaient-ils de la capturer, mais aussitôt qu’elle était prise, elle dépouillait sa beauté et apparaissait sous les traits d’un animal répugnant. Et les chasseurs étaient bien contraints de la relâcher sans avoir pu éteindre ses désirs. Elle repartait donc plus insatisfaite et plus hurlante que jamais. »

-La demande en mariage : Un usage hérité des gaulois et toujours persistant dans le Morvan jusqu’à la fin du XIXe siècle : le jeune homme remplit son verre de vin et en boit la moitié ; il le tend ensuite à la jeune fille : si elle le finit, c’est qu’elle consent à être sa fiancée. Il lui est alors permis quelques licences, comme la prendre sur ses genoux, l’embrasser, lui dire des mots tendres ou brûlants… Pas de fausse pudeur en Morvan ! Les jiolées sont les cérémonies complexes et typiquement morvandelles qui précèdent le mariage. (…)

-Le jour des noces : Pendant la cérémonie, dans ces contrées de sorcellerie, gare à l’éventuel sorcier « noueux d’aiguillette » : il faut regarder si dans l’assemblée un individu mal avisé fait trois petits nœuds à une cordelette en psalmodiant d’étranges paroles, sûrement tirés du Grand ou du Petit Albert : son sortilège ne peut être annulé qu’en défaisant les nœuds, or il va s’empresser au sortir de l’église de brûler la cordelette ! Heureusement, le « leveux d’sorts » sait comment faire malgré tout : si le marié s’avère incapable d’honorer sa femme pendant quelque temps, il vient asperger le lit conjugal de cannelle et faire un breuvage de menthe, sariette, ail et oignon cru. Tout ira bien ensuite ! Pour conjurer le mauvais sort, la mariée aura pris soin d’attacher sa jarretière en arrivant sous le porche même de l’église. Si la flamme des cierges brûle bien, le prêtre y voit la faveur du Saint-Esprit, les assistants un présage de longévité, de bonheur et de sexualité ardente mais maîtrisée…

°BRESSE°

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-Faire sa cour : Le dicton bressan « Si t’es pas de Marboz, t’as qu’à-t-n’allo » marque bien les rejets par la communauté de l’audacieux prétendant qui viendrait « courir » au village qui n’est pas le sien. La coutume des alagnes suscitait bien l’étonnement des étrangers. « La jeune fille acceptait souvent les avances de plusieurs jeunes gens de façon à se donner le loisir de faire son choix, mais au lieu de recevoir chaque magnat en présence de ses parents, elle les accueillait en tête à tête l’un après l’autre comme au confessionnal ! C’était au cours de cette entrevue que la jeune fille offrait des noisettes aux magnats qui lui faisait la cour, noisettes appelées alagnes ». Les approchailles ont lieu lors de veillées bressanes où voisins et amis se reçoivent pour épiller le maïs, casser les noix… Les rubans rouges des coiffes des jeunes filles attestent de leur disponibilité à trouver un parti. Le jeune magnat offre un bouquet de fleurs des champs pour montrer sa flamme.

-La demande en mariage : La demande en mariage officielle est ici fort codée. Les courtisailles. Tous les chemins mènent au mariage. La demande officielle peut se faire par écrit. En Bresse on privilégie le contact direct. Le père du jeune homme va s’entretenir avec celui de la jeune fille. Si les propositions sont agréées, le fiancé est admis à courtiser officiellement. Un globe de mariage est offert à la future mariée, il contient les éléments symboliques de pureté, fidélité, fécondité, fleurs d’oranger, trèfles, grains de maïs… Sans oublier le miroir, image du temps qui passe.

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-Le jour des noces : Jamais le samedi ni le dimanche, le mariage a lieu le matin, en ville comme au village. En Bresse, « on fait péter les boites ! », tout au long du parcours, avant l’arrivée à la mairie. Parfois une cordée de fleurs ou de ruban barre la route. Les mariés, s’ils vont en voiture à cheval, descendent et boivent un verre. En retour, ils donnent une étrenne aux jeunes organisateurs. A proximité, des jeunes gens, promus artificiers, font « péter la poudre » dans des pots de sable et papiers mélangés. Plus la pétarade est forte, plus c’est réussi ! Des épreuves symboliques attendent l’épouse. Le char, qui la transporte, est arrêté près d’un endroit assez sale, à dessein, de la paille humide ou une flaque mal séchée. Elle descend parmi les rires. Cette farce signifie que les difficultés de la vie se rencontrent dès ces belles journées passées. Elle doit aussi relever le balai qui ferme l’entrée de la demeure, signe du soin qu’elle apportera dans son nouveau foyer. « Fête de mariée, fête oubliée ». La vie rude reprend, plus ou moins facile selon l’humeur de la belle-mère et l’amour du mari…

°BRETAGNE°

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-Faire sa cour : Si les prières et pèlerinages aux saints ne donnent pas les résultats escomptés pour trouver un époux, d’autres moyens moins chrétiens ne manquent pas… Nombreux sont les menhirs qui ont vu des générations de jeunes filles se frotter à eux, certaines nuits, comme le 1er mai, où dans certaines conditions propices ! Mariées, elles y retourneront pour être fécondes. Pour déclarer sa flamme, les jeunes gens ont parfois recours à des petits artifices symboliques. Ainsi en Ile-et-Vilaine, en place de mots on peut frapper sur le genou ou mordre dans une pomme et l‘offrir. Aux environs de Dinan, le garçon choque le verre d’une fille en lui disant : « A celui qui marche sur les remparts de votre cœur ». Si la fille est consentante, elle choque son verre en retour, sinon elle répond : « Mon cœur n’est pas une citadelle, il ne s’y promène pas de sentinelle ». Quand ils se fréquentent, les jeunes gens se disent des mots doux. A « Je t’aime », on préfère dire « je t’estime » ou « je suis heureux(se) près de toi ».

-La demande en mariage : Après de longues années de fréquentations, en Bretagne il n’est pas rare de se courtiser cinq, voire dix ans, avant de faire sa demande ! Pour s’assurer de la virginité de sa fiancée, l’amoureux peut interroger les fontaines de Bodilis ou de Saint-Michel-en-Servel. Il pose une épingle prise à la belle. Si elle surnage, la demoiselle est pucelle… Trois petits tours et puis s’marient ! « Il y a une cinquantaine d’années, dans les environs de Concarneau et de Quimper, avant la grand’messe pendant la publication des bans le fiancé faisait trois fois le tour de l’église avec sa future sur le dos en criant que si quelqu’un connaissait un empêchement à son mariage il n’avait qu’à le dire. Il se présentait parfois quelqu’un pour l’arrêter… » Jusqu’à la révolution, les fiançailles avaient lieu à l’église, ensuite elles furent remplacées par un seul repas.

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-Le jour des noces : Le grand jour est arrivé mais… la mariée n’est pas prête, ou feint de chercher à s’enfuir ! Habillée de couleurs vives et de broderies, et non de blanc, elle aura à subir avec son époux nombre de rites de passage avant de savourer tripes, far et cidre… En Cornouaille, « la gavotte des pauvres » permet aux mendiants de participer aux festivités. Le marié avec la participation des gens de la noce, leur offre un repas et un bal. La beurrée avant la noce… Dans le Morbihan, en route pour le repas de noce, le cortège s’arrête, entres autres, dans une auberge. Un déjeuner est servi aux deux mariés et à quelques notables de la noce. Il a été préparé par les deux belles-mères qui, d’ordinaire, par suite d’un usage assez inextricable, n’assistent pas à la messe de mariage et attendent le cortège à cet endroit. Pendant ce temps, les autres invités mangent une beurrée ; la motte de beurre est une œuvre d’art, décorée de festons et de moulures. Puis la noce se met en danse sur la grand’route.

°CHAMPAGNE°

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-Faire sa cour : Le 1er mai est la nuit de la jeunesse. Les garçons « déménagent » sur la place du village divers objets hétéroclites et vont aussi, et surtout, planter les mais, jeunes arbres fraîchement coupés, devant la porte des jeunes filles. Si c’est du charme, tout va bien, mais gare au boulin (bouleau) qui rime avec putain ! Les filles bien honorées remercient les garçons et les convient à « arroser les mais » en les invitant à boire le dimanche suivant. En la matière les historiens locaux nous invitent par ailleurs ici à faire une double lecture de la chanson « La claire fontaine »…

-La demande en mariage : Souvent le prétendant a pu sonder le terrain mais la demande officielle est faite par les parents du marié à ceux de la mariée. C’est « l’coup d’chapiau » où les questions de dot et d’intérêts sont âprement discutées. Aimer ne suffit pas, il faut le prouver : achat de bijoux, châles, d’assiettes au nom des époux… Les préparatifs se font sur plusieurs jours. Dès le jeudi on procède au nettoyage et à la décoration du local choisi. Le samedi, les noceilleux sont en palada (en grande cérémonie), on va chercher la jeune fille chez elle en cortège. Une chanson peut être entonnée : « Ouvrez-moi donc la porte ma mie si vous m’aimez ». Après quelques pourparlers la porte est ouverte le fiancé cherche sa belle, la trouve, la saisit et scelle d’un baiser sa prise de possession. Cette cérémonie accomplie, le cortège s’achemine vers la mairie (à partir du XIXe siècle) et l’église. Tout le village est là et pour se distinguer les invités portent un ruban de soie. Le cortège s’ébranle conduit par le « violoneux » suivi de la fiancée au bras de son père, le promis fermant la marche au bras de sa mère.

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-Le jour des noces : Lors de la remise des alliances, l’époux doit introduire l’anneau jusqu’à la troisième phalange s’il veut acquérir la maîtrise du foyer ; si la femme plie le doigt, elle « portera la culotte ». Le repas est essentiel : « les invités ont plus d’appétit que de dévotion. Il a souvent lieu dans une grange préparée pour l’occasion. Les vieux sont à droite, les jeunes à gauche, les mariés au centre. Au milieu du repas on apporte un colis à la mariée : poupon rose en celluloïd ou autre symbole de vie (des petits oiseaux qu’elle remettait en liberté). Vers la fin du repas, un des garçons d’honneur se glisse discrètement sous la table pour enlever la jarretière de l’épouse. »

°CHARENTE°

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-Faire sa cour : Les veillées s’étalent de la Toussaint au mois de mars, période où les soirées sont particulièrement longues. Là où il y a de joyeuses réunions de jeunesse et des filles à marier, ont lieu de chaleureux rassemblements qui resserrent les liens entre parents, amis et voisins. Dès leur plus jeune âge, les grandes fillettes comme les jeunes filles lorsqu’elles sont en compagnie de jeune gens, avec malice, s’essaient à la divination de leur futur galant en taquinant les coccinelles dont la direction d’envol dira le présage. « Celui qui se déclare galant, achève de se prononcer s’il assied familièrement sur ses genoux la fille de la maison, lui fait mille agaceries, qui consistent surtout en tapes et en pinçons, l’embrasse et lui tient des propos d’amour. Il est assuré de plaire, si le père le retient adroitement au moment du départ pour lui offrir le réveillon. »

-La demande en mariage : S’il est de tradition d’offrir un bouquet à la fiancée, une coutume d’Angoumois du XIXe siècle, a institué que, lors des fiançailles, une troupe de jeune gens, mariés ou non, se rend chez la jeune fille pour y « chercher chandelle». Ce déplacement s’accompagne d’une chanson, de facture locale, adaptée pour la circonstance. La jeune personne se tient derrière la porte d’entrée de la maison et, une fois l’interprétation achevée, elle ouvre sa demeure et offre aux différents participants qui lui font l’honneur de cette visite une bougie et un chandelier ainsi que des dragées de fiance. Puis, le fiancé offre un peu d’argent qui ne tardera pas à être dépensé en commun et on le devine, converti en liquide convivial. Une fois la date du mariage retenue, la solennité des invitations est confiée à une « députation » de parents et d’amis chargés de se rendre au domicile des personnes pressenties. Pendant le trajet des convioux, des coups de feu éclatent pour se signaler à la cantonade.

-Le jour des noces : Au cours de la semaine précédant le mariage, la famille de la mariée procède à la confection et à la cuisson de galettes qui se conservent assez longtemps. Elle les distribuera à son entourage et notamment aux voisins, amis ou parents un peu éloignés en degrés qui n’ont pas été conviés au repas de cérémonie. La nuit, les jeunes gens de la noce, sous prétexte de les revigorer, apportent aux mariés, une sorte de potage à l’ail ou à l’oignon, et parfois rôtie au vin plus ou moins chocolatée présentée dans un vase de nuit en porcelaine, tout neuf et décoré d’une guirlande de jolies fleurs polychromes. Ce rite ne va pas sans créer un véritable remue-ménage dans la chambre nuptiale et s’accompagne de remarques quant aux évènements censés avoir été accomplis cette nuit là, sans parler des cris d’orfraie de la jeune épousée et des bouffées de rires des cavalières encore debout « à l’heure du laitier ».

°CORSE°

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-Faire sa cour : « E giuvanotte deven’esse curate cume u granu au sole ». (Les jeunes filles doivent être surveillées comme le blé au soleil). En Corse, la conduite des jeunes gens, en particulier de la jeune fille, engage l’honneur et la réputation de toute leur famille. Aussi, dès l’adolescence, elles sont très surveillées, non seulement par leurs parents mais aussi par leurs cousins et tous les membres de la famille même les plus éloignés. Les jeunes filles sortent bien entendue de chez elles, mais sont moins libres que dans bien des régions pour aller et venir dans le village. Il n’y a guère qu’à la fontaine sur la place du village, qu’elles peuvent flâner quelques instants et être abordées. C’est à cette fontaine, à la rivière où elle lave le linge de la famille, que la jeune demoiselle « rencontrera toujours accoudé contre un arbre, l’ait triste et pensif, le prétendant tenant un large mouchoir à la main ; c’est le signe d’un amour naissant », écrit Ortoli en 1886. Si la jeune fille sort aussi son mouchoir brodé, sans un mot l’amour est partagé… sinon il lui suffit de l’ignorer. Les jours de fêtes et de veillées sont autant d’occasion de sortir, de se rencontrer et de se courtiser, mais l’œil de la communauté n’est jamais loin. La coutume d’enlever les filles est encore dans les mœurs lorsque les parents se font tirer l’oreille pour donner leur consentement. Le gars s’expose à des représailles sanglantes. Après avoir couru le maquis avec la belle en croupe, il revient au logis et la situation se régularise si les fugitifs ont obtenu le pardon pour leur escapade. Dans un contexte où l’honneur est omniprésent, revenir sur la parole donnée est la pire chose que l’on puisse faire. Il n’est pas rare qu’on en soit puni par la mort… (ex La belle maria fior di spina du village d’ota).

-La demande en mariage : « Tant que tu n’auras pas l’anneau au doigt ne dis pas : mon mari » dit le dicton. Une demande pudique et ritualisée… La société corse, si elle comprend et autorise l’amour, ne lui laisse pas la place de s’exprimer ouvertement. C’est un sentiment intime, qui peut exister dans le cœur mais ne doit pas être étalé publiquement : pudeur et silence, voire honte et évitement sont de rigueur. La coutume de la sérénade elle-même, par son ostentation et son côté systématique, est plus un rituel social : on déclare ouvertement à tous le choix d’une personne en tant qu’épouse. D’ailleurs les amis du prétendant, si la belle a allumé la bougie derrière ses volets, tirent en l’air force coups de fusil : façon d’exprimer la joie, mais aussi de signaler à tous que la chasse est désormais gardée…

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-Le jour des noces : Pour choisir la date du mariage : il faut savoir qu’on ne se marie pas un mardi, ni durant le mois de mai (consacré à Marie et aux amours, dont le mariage marque la fin, comme dans bons nombres de régions françaises). Un anneau…prêté ! En Corse, la bénédiction des anneaux prend un tour particulier car… il n’y a pas d’anneaux individuels : c’est un anneau qui reste en permanence à l’église et est considéré comme un objet de culte qui les unit. Béni encore et encore au fil des unions. Il est considéré comme sacré. La nouvelle épousée aura l’honneur de le porter durant toute la journée, avant de le rendre le lendemain au curé, accompagné de beignets.

°DAUPHINE°

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-Faire sa cour : Si les pratiques rituelles magiques pour trouver un mari existent dans toute la France, elles sont particulièrement nombreuses dans le Dauphiné. Il existe des coutumes particulières à l’Isère, comme « les pierres à marier ». Les coutumes qui y sont attachées sont très diverses : près de Mens, pour se marier dans l’année il faut réussir à grimper sur la Pierre qui danse ; près de Renage, aller répéter à la Pierre-Pucelle le prénom de son amoureux ; à la chapelle de Brandes, on adresse des prières à St Nicolas tout en s’agenouillant sur une pierre conique, éminemment phallique, puis on continue à prier… en la tenant entre ses cuisses. Si elles sont libres, les fréquentations avant les fiançailles officielles sont souvent très longues : plusieurs années en moyenne. Lorsqu’une fille noue son fouda (tablier) en présence d’un garçon ; lorsqu’elle n’empêche pas que ce garçon roule lui même ce fouda ; lorsqu’on offre au jeune homme la place d’honneur au foyer ; lorsqu’on a soin d’attiser le feu devant lui ; lorsque la jeune fille, dans un repas de famille, lui présente un potage qu’elle couvre de fromage râpé : ce sont là autant de signes qui apprennent au jeune homme qu’il est le bienvenu dans la maison.

-La demande en mariage : «C’est dans quelques localités seulement de l’Isère, qu’existe une coutume curieuse dite Les poules Le dimanche qui suit les fiançailles, les jeunes garçons du village se rendent à l’église et de là partent pour traverser le village en tirant des coups de pistolet en l’air. Ils se rendent ainsi chez la fiancée, où ils sont attendus. Après avoir tous embrassés la jeune fille, ils tuent dans la cour une ou deux belles poules qui leur serviront de repas le soir. (Ou bien) la jeune fille sort de la maison et leur donne de l’argent et une poule… » L’enterrement de vie de garçon est un rite très répandu en Isère, plus qu’en Savoie, même s’il tend à disparaître dès le tout début du XXe siècle. Il fait notamment appel à des parodies d’enterrement, des mises en scène dramatiques et même macabres et regroupe pour l’occasion les amis du marié et les conscrits. Il est peu à peu remplacé par un simple repas entre amis. De l’importance du contrat : Il signe le début des fiançailles officielles, dans ce contrat se trouve l’énumération de la dot apportée par la jeune fille, son trossel. Il n’y a pas d’apport financier du garçon, comme en Savoie ou en Lorraine, vestiges du droit germanique.

-Le jour des noces : Le fiancé a déjà offert à sa promise la bague de fiançailles. Il lui offre aussi sa robe de mariage. Quant à la fiancée, elle offre à son promis la chemise des ses noces. Une coutume propre au Dauphiné que celle d’offrir également chacun à leur belle-mère sa robe de cérémonie. Dans quelques villages existe une coutume étonnante, qui s’appelle « casser le crochon », le crochon étant un objet symbolique, qui peut être un bout de jarretière, un morceau du gâteau de noce ou le bouquet de la mariée, et qu’on donne au couple ou à la fille que l’on espère voir se marier en prochain. Vers minuit, à l’instar d’autres régions on prépare la rôtie. Toute la noce doit en goûter, puis on l’apporte aux mariés dans leur chambre… Mélange peu ragoûtant, qui tient du rite de passage, mais fort énergétique et revigorant dans sa préparation… Rien n’est laissé au hasard !

°FRANCHE-COMTE°

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Faire sa cour : La veillée est généralement le lieu de rencontres. Dans la Bresse jurassienne, jusque 1880, subsiste la coutume du taboulage (tabouler, faire la cour) ; celui-ci a lieu toujours dans la maison de la future, pendant les veillées dans « la chambre commune », où la famille est réunie, dans un coin obscur et isolé créant un peu d’intimité. Dans ce lieu sous la protection des parents, où le seul meuble est un petit banc, derrière un rideau, les jeunes gens font connaissance et peuvent se dire leur amour réciproque. « La connaissance charnelle avant le mariage : la veillée du mouchon» : Si le taboulage permet des satisfactions sexuelles limitées, sans risque de conception, dans l’ancienne terre de Saint-Claude, au cours d’une soirée, père et mère mettent les deux jeunes gens en présence ; ils ont entière liberté tant que la branche de sapin (le mouchon) se consume dans la cheminée. Si la fille après quelques semaines porte fruit, elle est acceptée, sinon il faut trouver une autre fiancée. A la campagne, on a besoin de bras, la fille doit montrer sa capacité à être mère.

-La demande en mariage : En Franche-Comté, avant la conquête de la province par les français en 1678, l’entente entre les jeunes gens seule compte. Point n’est besoin du consentement des parents pour se marier. L’introduction de la législation française met fin à cette situation libérale. La demande officielle en mariage est précédée d’une collecte de renseignements. Lorsque l’on tombe d’accord, la demande est conclue par un simple repas au domicile de la fiancée. Les parents font venir le menuisier à domicile pour confectionner l’armoire, signe matrimonial tout aussi important que le lit. Le manuel de pastorale Méthode pour la direction des âmes (Besançon, 1782), réédité au XIXe siècle, estime que les fiançailles sont nécessaires pour sanctifier le mariage. Le passage chez le notaire est obligatoire pour signer le contrat de mariage, un mois ou deux avant la cérémonie.

-Le jour des noces : Jusqu’au XIXe siècle, dans les campagnes, la règle est le mariage tardif. Ainsi l’âge moyen des conjoints est d’environ 28 ans. En Haute-Saône, le marié doit prendre l’œuf que lui tend sur le seuil la cuisinière qui a préparé le repas et le lancer par-dessus le toit de la maison. S’il réussit, il aura toute l’autorité dans le ménage, sinon… Dans le roman Le matachin de Max Buchon (1853) figure une noce d’un vigneron de Salin. Coutume ancienne, le charivari est attesté en Franche-Comté à Baulat dès 1427. Ce vacarme organisé dure jusqu’à ce que les mariés pingres se résolvent à offrir quelques pièces aux jeunes, taxe nommée « droit de poule », que la jeunesse va dépenser au cabaret. L’attitude coopérative ou hostile des mariés conditionne la durée de la manifestation. Tout peut cesser aussitôt ou se renouveler tous les soirs pendant huit jours ou plus. La vie en communion : la famille élargie liée à l’existence de la mainmorte est une originalité de la société comtoise. Elle organise la vie commune des jeunes mariés chez les parents de l’époux.

°GASCOGNE°

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-Faire sa cour : Le droit d’aînesse est très présent en Gascogne : il y persiste jusqu’au XIXe siècle. Le fils ou la fille aînés de la fratrie doivent trouver un conjoint pour assurer la pérennité de la famille ; ensuite seulement les autres peuvent envisager leur propre mariage. Mais il est jugé préférable par tous qu’ils ne soient pas trop gourmands, et ils sacrifient plutôt leur vie et leur patrimoine au bien être du premier couple marié… Vivront donc dans la maison familiale, à côté du couple et de ses enfants, des oncles et tantes, tels des « satellites » qui cèdent une partie de leur patrimoine et même servent presque de domestiques. Cette étonnante situation se retrouve aussi bien dans les classes sociales aisées que chez l’ouvrier ou le paysan. C’est le jeune homme qui cherche une épouse, et surtout pas le contraire, ce serait jugé malséant. Les moyens de lier connaissance avec le sexe opposé sont assez variés : en dehors du « coup de foudre » au bal, il y aussi l’ami d’enfance que connaît bien la famille et que l’on se met à regarder différemment, qui pourrait être un bon parti et qui ne fait pas peur comme l’étranger.

-La demande en mariage : « La demande en chalosse (1916), La diplomatie, sérieuse ou cousue de fil blanc, préside à tous les mariages de la vieille Gascogne. Certains coins de Chalosse ont encore une façon très pittoresque de donner la réponse. On prie à dîner le jeune homme et sa famille. On se montre poli, souriant, aimable, pleins de prévenances, qui sont largement rendues. On trinque en masse, suivant une expression consacrée, et, jusqu’au dessert, tout marche à souhait. Le dessert constitue le moment critique et psychologique. Si, après le fromage, on sert des noix sur la table, la terreur se peint sur le visage des invités : la demande est rejetée. Sans une parole désagréable, mais non sans un coup d’œil de regret, on quitte la maison désormais inhospitalière. Si les malencontreuses noix ne font pas apparition sur la table, on se félicite, on trinque, on s’embrasse ! »

-Le jour des noces : Tous gagnent la demeure des parents du nobi. Le repas longuement préparé depuis la veille est prêt ! En plus de la cuisinière traditionnelle, on fait souvent appel à des serveuses, même dans les mariages paysans. Elles ont aussi droit, ensuite, à leur part du repas… Parfois, à partir de la fin du XIXe siècle, en plus du menu traditionnel (bouillon de poule, poule farcie, sauce aux cèpes, dindes rôties..) on offre une pièce montée confectionnée par un pâtissier de la ville. Les garçons d’honneur passent ensuite faire une quête, non pour aider les jeunes mariés mais pour payer la pièce montée (dite « bouquet ») qu’ils ont offerte et surtout les musiciens (qui ne se sont pas privés de faire bombance). Après un bref souper, on regagne la maison du nobi et on prépare le « tourrin blanchi » : une soupe enrichie (ail, graisse d’oie, pain, œufs, oignon, poivre…) qu’on va servir aux jeunes mariés souvent déjà couchés… ainsi que du vin et une sérénade de violon très grivoise !

°ILE-DE-FRANCE°

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-Faire sa cour : Avant sa réorganisation, l’Ile-de-France regroupe les départements Seine, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne. Fêtes ou tâches laborieuses, les occasions ne manquent pas de mettre en présence les jeunes gens. Dès qu’une amourette s’ébauchera, les commères clabauderont… Le bal favorise les rapprochements entre garçons et filles. Arrières-salles de café, guinguettes accueillent le dimanche, en après-midi ou en soirée, des musiciens. Valse musette, polka, mazurka venues de la capitale ont supplanté les danses et airs anciens. Si une amourette s’ébauche, le reconduiseux raccompagne la jeune fille. On dira le lendemain de celle qui n’a pas trouvé de danseur qu’elle a « essuyé les bancs », ou qu’elle est revenue « sans avoir trouvé son beurre ». La coutume des mais permet aux jeunes gens de montrer leur intérêt, ou au contraire leur peu d’estime pour les jeunes filles. Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, c’est à qui dévalisera bosquets et jardins pour décorer d’un bouquet ou d’une branche fleurie la porte de l’élue. Mais gare à la branche de bouleau, bois dont on fait les balais, qui marque au contraire le mépris ! Les fêtes de rosières ont été nombreuses en Ile-de-France, la cérémonie s’apparente au rituel d’un mariage.

-La demande en mariage : La plupart des mariages, même dans les milieux très modestes (puisque des contrats de mendiants ont été retrouvés), ont lieu après l’établissement d’un contrat devant notaire. La demande est faite aux parents de la jeune fille directement par le jeune homme ou par ses parents. Les entremetteurs sont rares en Ile-de-France. A la Chapelle-la-Reine en Seine-et-Marne, il est appelé « mâche-avoine ». La demande y est appelée « coup de chapeau ». L’enterrement de vie de garçon : le Bulletin folklorique de l’Ile-de-France regrette l’absence de documents décrivant les cérémonies burlesques orchestrées par les amis encore célibataires du fiancé pour marquer le passage de l’état de célibat à celui de mariage. Chansons et mises en scène grivoises faisant intervenir la corde (au cou) et le cercueil, symbole de liberté perdue (ou de renaissance), alternent au cours d’une soirée bien arrosée. Les mariages sont le plus souvent célébrés le lundi et le mardi, en novembre, janvier et février, mois de la morte-saison agricole. Les invitations sont faites verbalement, souvent par les mères des fiancés. « Vous cirerez vos bottes pour tel jour » ajoute-t-on parfois. Mais en milieu urbain, lettres et faire-part s’imposent à la fin du XIXe siècle.

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-Le jour des noces : A Saint-Martin-la-Garenne, Landrecourt, Dennemont, le père du futur, au matin des noces, frappera à la porte de la jeune fille, demandant si « c’quon a promis à mon gars est toujours à not’ disposition ». Disparue, la coutume jugée barbare, consistant à labourer le dos de la mariée à coup d’épingles, lors de la cérémonie religieuse, afin de la faire se retourner pour constater son penchant à la jalousie ! A Sannois, dès la sortie de la messe, un verre de goutte est offert au marié. A la falaise près de Mantes, la mariée doit boire un bouillon à l’aide d’une petite cuillère criblée de trous…

Le repas est toujours très copieux avec plusieurs plats de viandes. A la fin du banquet, la mariée est « mise aux enchères », son époux doit tout faire pour la « racheter », tradition plus originale que la jarretière qui se pratique cependant partout en Ile-de-France. En 1824, un rédacteur dans Le petit courrier des dames, assiste au « brûlement » de la chaise de la mariée, le lendemain des noces, dans un village qui pourrait être Igny. Les garçons d’honneur y mettent le feu puis continuent à danser et chanter. Selon le journaliste, cette extravagance renvoie aux cérémonies funèbres durant lesquelles on brûlait un objet que le défunt avait affectionné toute sa vie, et symbolise, ici, le départ d’un être cher. En 1948, une étude porte à dix-sept les exemples recueillis dans le sud parisien.

°LANGUEDOC-ROUSSILLON°

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-Faire sa cour : Anciennement, dans le Languedoc-Roussillon rural, les garçons dès 16 ans, les filles à partir de 18 ans appartiennent à des groupes qui ne sont jamais mixtes. Faire connaissance avec son futur ou sa promise relève d’un code rigoureux, variable selon les localités. D’origine très ancienne, ces groupes de jeunes perdurent pendant des siècles, avant de disparaitre avec l’exode rural de la fin du XIXe siècle. Ils sont très importants pour les garçons car dans ces groupes se poursuit l’éducation virile et l’initiation aux traditions de la communauté. Les jeunes gens ne peuvent se parler qu’aux champs où ils travaillent ensemble, à l’occasion des fêtes. Dans les régions de vie pastorale, il arrive que les jeunes filles aillent remplacer pour la garde du troupeau le berger qui prend son congé le dimanche. Leurs galants s’empressent de venir les rejoindre sur la garrigue. D’où sans doute, l’idéalisation des bergères et patres dans la littérature… « A chaque poupin va sa cabucelle » dit un proverbe occitan. Voici une autre façon de dire que chaque pot finit par trouver un couvercle à sa taille. On se fréquente du bout des yeux : Lors de promenades les groupes de garçons et de filles se croisent et se recroisent dans un va-et-vient continuel se souriant ou s’ignorant et faisant maints commentaires. C’est souvent ainsi qu’on se choisit.

-La demande en mariage : Les accords peuvent se faire sans que les jeunes, garçon ou fille, donnent leur avis. Un père peut déclarer à sa fille : « Prépare tes affaires, je t’emmène à la maison car tu vas te marier ». Elle obéit, demandant simplement le nom de son futur époux. La cérémonie des fiançailles se fait à l’église et constitue un engagement formel. Les fiancés jouissent d’une certaine liberté, la coutume permet au fiancé de s’introduire par escalade dans la chambre de sa promise et d’y rester toute la nuit sans toutefois se dévêtir, avec l’autorisation des parents qui dorment dans la chambre voisine (ou qui font semblant). Cette coutume d’apparence très libre et, en principe, très chaste, est destinée à mettre à l’épreuve la sincérité des sentiments du garçon, à la façon des mœurs des chevaliers du Moyen Age ; elle se retrouve dans toutes les provinces méditerranéennes. Il existe des cas d’enlèvements lorsque les parents s’opposent au mariage, il est souvent une ruse tramée avec l’accord des parents respectifs pour éviter les frais de noces et de festins.

-Le jour des noces : Selon une croyance, l’époux qui entend garder le gouvernement du ménage doit veiller à mettre l’alliance à la première phalange du doigt de sa femme, sans l’enfoncer. La façade de la maison des parents de la mariée est décorée de fleurs blanches et bleues si la fille est sérieuse, ou rouges dans le cas contraire. On peut même ajouter une aire de cornes si la fille est dite « légère » ! Il est parfois d’usage au cours du repas, que la mère de la mariée chante son adieu à sa fille. Le repas est suivi d’un bal. Celui-ci est animé par le vioulounaire ou le joueur de graile (clairon), assisté en cela par un chanteur sur des rythmes de bourrées ou de polkas. (Ici encore la coutume du breuvage servi dans un pot de chambre (neuf) est présente, lors de la nuit de noce). Les charivaris sont très répandus en Languedoc-Roussillon, et se font quand les mariages sont mal « assortis », notamment pour les mariages de veufs. La jeunesse se livre à un grand vacarme sous les fenêtres des victimes à l’aide de trompettes, sifflets, casseroles. Pour que le bruit cesse, les mariés doivent payer une amende « pour se faire pardonner… »

°LIMOUSIN°

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-Faire sa cour : « Vive Limoges Et ses beaux cavaliers L’amour y loge Sous ses grands châtaigniers… » Les chansons font la part belle à l’amour en Limousin. La terre est pourtant rude, terres de migrations pour les jeunes gens qui laissent au pays les jeunes filles dès le printemps. Le 1er mai, les jeune gens placent un mai (bouquet d’aubépine) à la porte de la jeune fille qu’ils recherchent en mariage. C’est aux veillées que s’ébauchent les idylles. Auparavant, on avait recours aux philtres pour se faire aimer : à Rancon, le danseur pouvait placer dans le sabot de sa cavalière et à son insu (et vice-versa) une tige d’herbe dite du Saint-Sacrement. Dès lors, les deux jeunes gens ne pouvaient plus se quitter. A Pageas, le moyen de trouver un mari consiste à passer la tête par un trou ou plutôt une sorte de niche pratiquée dans l’église à gauche en entrant. Pendant la belle saison, les maçons de la Creuse s’engagent dans le bâtiment à Paris. L’écrivain Martin Nadaud a raconté dans ses Souvenirs, les pérégrinations de ces migrations. (Archives) Comme les femmes de la côte espèrent le retour des marins, elles attendent leurs galants qui chantent en chemin la Chanson des maçons de la Creuse.

-La demande en mariage : « Pour faire un bon mariage, cherche dans ton voisinage ». Le mariage est l’occasion d’assortir des biens ; certes les sentiments ne sont pas oubliés, mais que les jeunes gens se connaissent et s’estiment ou qu’ils aient été présentés par un intermédiaire le « menadour », il est temps pour les pères de se rencontrer. Les accords réglés, on passe chez le notaire et on fait sonner les bans. Le soir des accords on procède à la cérémonie de la Centurada. Devant les assistants rangés, le père, à défaut le frère aîné, passe tenant la fille à la main et la leur présente en effectuant une sorte de ronde appelée Passada, dont le rythme est marqué par un instrument et que les invités accompagnent en chantant. Puis le maître ceint de rubans la taille de son enfant et on danse, on chante et on verse à boire à tout le monde. La veille du grand jour : après avoir assisté au repas du soir, la mariée est « retirée » dans une chambre écartée où ne doivent pénétrer que sa mère, sœurs ou marraine ; la couturière et plus récemment la coiffeuse n’y sont admises que le lendemain matin. Quand au marié, il couche chez lui ou chez des voisins. C’est le lendemain que, accompagné de son père, il ira quérir la mariée.

-Le jour des noces : Entre l’église et le lieu du repas, on arrête le cortège de la noce et on fait boire en chemin une soupe de vin chaud ou de lait aux mariés, gage de fécondité. A l’église, la cérémonie se célèbre selon la liturgie habituelle, avec quelquefois la coutume de la bénédiction du treizain. Au lieu du repas, les tables sont placées en fer à cheval. Les noces comprennent trois repas : la collation du matin, du midi et le repas du soir (pâtés de viande, vol-au-vent, tartes, flognardes…) Il se déroule de 17h à 23h et il s’avère bien arrosé. Danses endiablées : vers 23h le bal démarre, « La bourrée, c’est la danse par excellence du Limousin et de tout le Massif Central ; elle se danse à deux temps, au son de la chabrette, de la vielle et du violon ; les danseurs, hommes et femmes se cherchent, s’évitent, s’agacent, se boudent, s’appellent et se fuient. L’homme, hardi, décidé, fier de sa force, frappe des pieds et des mains ; la femme, tour à tour audacieuse et timide, appelle son cavalier, se fait coquette en déployant une ruse calculée et un tendre artifice. L’homme la poursuit pour lui prendre un baiser. Vers trois-quatre heure du matin, c’est l’heure de la rôtie, les jeunes de la noce retrouvent les mariés et leur font boire une mixture : bouillon de poule, vin sucré… Histoire d’assurer le succès de la nuit de noce… »

°LORRAINE°

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-Faire sa cour : En Lorraine , les jeunes gens font connaissance de bien des façons et, malgré les mises en garde du curé, ont assez grand loisir de se parler. Mais ici la séduction peut prendre aussi bien forme de joutes verbales complexes que de taquineries très brusques ! Si, dans toute la France, nombre d’unions ses sont scellées à la veillée, celle de Lorraine comportent des traditions bien spécifiques. Pratiquée de la Toussaint au Carnaval, pour se tenir compagnie pendant les mauvais jours, la veillée lorraine comporte, en plus des discussions pendant qu’on file ou coud, des jeux, où les perdants ont des gages souvent de nature sexuelle. Dans « faire le lapin», l’un et l’autre mangeaient un fil et lorsque les deux bouches s’approchaient comme pour un baiser, on leur cognait la tête contre le dossier d’une chaise… « La brutalité est parfois exercée sur le corps des jeunes filles : dans le nord de la Lorraine, au mois de mai, on les hune, ou pèse, c’est-à-dire que plusieurs gars les attrapent dans le village, et pendant que deux tiennent bras et jambes, un autre s’accroupit dessous et les fait sauter sur son dos… Quant le garçon ne bondit sur la fille choisie pour la mordre au front, comme à Oeutrange ! » Des galanteries… parfois très douteuses ! : Si les folkloristes ont relevé des centaines et des centaines de dayements (joutes verbales), ils ont souvent gardés les plus poétiques, mais ont passé sous silence pudique les quatrains grivois voire franchement obscènes ou scatologiques… Pourtant vu le nombre de compilations, ils devaient former un corpus pour le moins imposant…

-La demande en mariage : La tradition des mais, répandue dans toute la France, ne fait pas défaut en Lorraine. Les mais sont loin d’être la seule manière de faire comprendre à une fille ce qu’on pense d’elle, et il existe des manières de séduire plus douces que celles évoquées dans la partie précédente ! Ainsi une coutume, permet à un groupe de jeunes gens de se rendre, au Mardi gras, chez une jeune fille à marier. L’un des garçons lui fait délicatement tremper ses doigts dans une bassine d’eau, puis un autre lui demande aimablement si elle accepte qu’il lui essuie les doigts d’une serviette propre. Pour remercier ces deux galants de leurs « services », la jeune fille leur offre, pommes ou noisettes. Peut-être le début d’une idylle avec l’un d’eux ? L’amour une fois fixé, est exempt de brutalité. Tous les futurs mariés ne font pas de contrat « ché lo notar » : on n’en fait que quand « il y a du bien » ou que les apports de chacun sont disproportionnés. Le plus souvent, c’est le jeune homme qui vient demander la main d’une jeune fille.

-Le jour des noces : Les invités se réunissent le matin chez la mariée ; jusqu’au début du XIXe siècle, elle est souvent vêtue de noir (mais la robe est très belle et brodée). Avant que le cortège ne parte, en Meuse, le garçon d’honneur ou le père chausse la mariée, glissant dans sa bottine une pièce d’or ou d’argent. Le père bénit les époux et lo cortèch’, tout enrubanné et où chacun porte un petit bouquet de fleurs d’oranger, de myrte ou de laurier, s’élance vers l’église en compagnie du violonou. Des agapes parfois pantagruéliques… « Vers 1860, chez un particulier de Failly (Vosges), pour nourrir 150 invités, on cuisina 150 livres de bœuf, trois veaux, trois moutons, douze cochons de lait et vingt oies.. »

°LYONNAIS-BEAUJOLAIS°

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-Faire sa cour : La situation des amoureux est bien entendu très différente dans la région suivant qu’ils se trouvent dans l’énorme ville de Lyon ou dans les campagnes environnantes… Néanmoins, les fréquentations sont régies par plusieurs coutumes communes. Rencontres… Quand filles et garçons se fréquentent, leur liberté est bien sûr très différente selon qu’ils sont ouvriers en ville ou paysans. A Lyon, les canuts sont un milieu resté assez familial et patriarcal, où la liberté des jeunes gens est moindre que dans d’autres grandes villes ou régions ouvrières …et magies Si elle pense à un garçon précis, nombreux sont les procédés qui lui permettent de provoquer son amour en retour : mettre sur l’épaule de son veston, sans qu’il s’en aperçoive, une pincée de « poudre de chauve-souris » (cendres d’une chauve-souris incinérée par les bons soins d’une « sorcière » de village). Face aux traditionnels pèlerinages à des sanctuaires catholiques ou des sources jugées magiques, un pouvoir est aussi accordé aux pierres : quand une fille désire se marier, ses amis la forcent à s’assoir sur la pierre froide du porche de l’église. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, le poids des parent est grand dans l’agrément des soupirants en Lyonnais-Beaujolais. Car si l’on se voit relativement facilement, et qu’on peut échanger des déclarations avec la personne de son choix, encore faut-il que le soupirant soit ensuite autorisé à faire sa cour ! Pour amadouer les parents, les moyens ne manquent cependant pas… en particulier dans le Beaujolais ! En effet, le prétendant, quand il est autorisé à venir faire connaissance avec les parents, est en général invité au repas du dimanche midi ; il apporte un baril de bon vin pour s’attirer les bonnes grâces paternelles. S’il est autorisé à revenir le dimanche suivant, c’est sur la bonne voie.

-La demande en mariage : Si jusqu’au XVIIIe siècle il arrive encore qu’on marie ses enfants sans leur accord, le XIXe siècle ne l’envisage plus : on suggère ardemment, on interdit souvent, mais on ne marie plus de force. Dans la bourgeoisie lyonnaise, la fille n’est pas passive, elle a le droit, surtout à partir de la fin du XIXe siècle, d’opposer son veto à la demande. Elle peut parfaitement repousser toute une brochette de soupirants imposés… jusqu’à ce que ses parents s’impatientent. Quand la fille et les parents sont d’accord, on dit à la campagne qu’ils sont « arrangés ». On fixe la date du mariage et les fiancés se déplacent eux-mêmes de maison en maison pour lancer les invitations ; ils sont accompagnés d’un chaperon, que l’on appelle « touche l’âne » dans les Monts du Lyonnais, et offrent à chacun dragées et prise de tabac. (Chanson des Canuts de Lyon)

-Le jour des noces : Les préparatifs du mariage (décoration de la maison de la mariée…) semblent moins importants ici qu’ailleurs ; mais c’est pour mieux se rattraper sur toute une série de rites effectués le jour même, avec en particulier la pose de « barrages » originaux ! Notamment celui dressé par les jeunes du village, le cortège le rencontre entre le domicile de la future mariée et l’église, il ne pourra être franchi que contre rançon. Mise en marche vers la table du festin… Sur le chemin de l’endroit où l’on va faire bombance, on s’arrête fréquemment dans tous les cafés devant lesquels on passe ! Ce n’est que vers 15 ou 16h que l’on rejoint la table du repas de noces, l’estomac déjà plein de vins et de liqueurs… Pendant le repas, on fait souvent une pause appelée « le coup du milieu ». Quand les estomacs sont trop pleins, on va se promener au village ou dans les champs, on danse… avant de se remettre à table ! Vers minuit, les jeunes mariés on aussi droit ici à la rôtie, dans les monts du Lyonnais il porte le nom de socrane. Les jours suivants, la fête n’est pas finie ! Les nouveaux mariés font une fête chez eux, quelque temps après, qui se dit pend’ la crémaï. Il arrive aussi que, un ou deux mois après les épousailles, ils réinvitent chez eux toute la noce, qui leur offre des cadeaux ; ce qui s’appelle porter le bartillon ou fêter le barton.

°MARTINIQUE°

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-Faire sa cour : Que de subterfuges pour se rencontrer à la sauvette et se parler ! En Martinique d’hier, les contacts entre jeunes gens sont mal vus, sauf au sein d’une même famille où les réunions sont fréquentes et nombreuses. Aussi se choisit-on souvent en secret… Jusqu’au début du XXe siècle, les communications étant difficiles et les moyens de se déplacer très réduits, les contacts entre jeunes sont forcément confinés dans le cercle restreint des relations familiales ou de voisinage. Billets filant doux… Les jeunes filles qui sont en pension jouissent souvent de la complicité de leurs compagnes ou cousines, qui deviennent facteurs ou porte-parole de leurs propres frères ou cousins. Les billets doux ont leur boite aux lettres… souvent le socle d’une statue, où la destinataire avertie les récupère subrepticement. Ah ! l’expérience… Depuis toujours et dans tous les milieux, les parents ont souhaité présider à l’avenir de leur fille et décider de son organisation. Leur connaissance de la vie, de ses aléas et le désir sincère du bien-être de leurs enfants le justifient. L’expérience des uns, malheureusement, ne sert pas toujours aux autres ! Et pour avoir passé outre aux décisions ou conseils paternels, bien des jeunes filles ont eu des regrets… ou surprises. Sauf cas extrêmes, où le père arrange un mariage à sa convenance, sans tenir compte des sentiments des intéressés, se chargeant lui-même d’une démarche auprès de l’autre famille, dont il informe sa fille après accord, les cas les plus courants sont simples.

La demande en mariage : Tous accords conclus, la jeune fille est appelée au salon, mise au courant de la demande qui lui est faite. Le fiancé arrive alors et on se met d’accord sur la date de la « remise de la bague », qu’un cérémonial traditionnel accompagne dans certaines familles. Elle se déroule souvent lors d’un repas familial où sont conviés voisins et amis. Le jeune homme peut, avant le dessert, offrir tout simplement le bijou à sa fiancée, qui fait le tour de la table pour le faire admirer. On peu aussi dissimuler l’écrin dans une composition florale en milieu de table, face aux fiancés. Jamais il ne sera permis aux fiancés de sortir seuls, ils devront être accompagnés d’un chaperon, mère, tante grande sœur, Da (la nounou, vraie seconde mère dans la famille). Et quand le fiancé viendra faire sa cour, des yeux discrets mais attentifs veilleront.

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-Le jour des noces : Nul ne doit découvrir la robe de mariée avant son entrée dans l’église, pas même le futur époux. La mariée ne doit porter ni perles ni brillants. Elle confie à sa mère sa bague de fiançailles. L’entrée à l’église est somptueuse : la mariée tout de blanc vêtue, au bras de son père. Le cortège, enfants, demoiselles d’honneur, mariés, parents, témoins, en habit de fête, est conduit par une dame âgée, vraie « maîtresse des cérémonies », parée d’un magnifique costume traditionnel, couverte de bijoux, l’air grave, celle-ci veille à la bonne ordonnance de tout. « Suis l’époux auquel tu t’unis », là la maîtresse de cérémonie entonne un chant, pendant que l’on sert le vin : « Vas, ma fille, sois heureuse. Suis l’époux auquel tu t’unis ». Un couplet, deux, puis l’orchestre joue la « valse de la mariée » que celle-ci danse généralement au bras de son père ou de son époux. Puis suit un dîner copieux où la viande de mouton est à l’honneur. Puis, tard dans la nuit, le rythme de la musique se fait tout à coup endiablé, annonçant le départ des nouveaux époux… qui se fait généralement à cheval. Le « retour » de la pièce montée. La tradition veut que, huit jours après, on fête le « retour des noces ». Les jeunes époux reçoivent leurs intimes, et ceux qui firent partis du cortège, pour déguster la pièce montée avec eux.

°NORD°

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-Faire sa cour : En Flandre, en Artois, en Hainaut, garçons et filles sont beaucoup plus libres de se rencontrer que dans bien d’autres régions. Cette liberté, surtout répandue à la fin du XIXe siècle dans les zones ouvrières et minières, n’empêche pas de curieuses coutumes… Les occasions de se rencontrer sont nombreuses dans le Nord, surtout lors des fêtes : la Sainte-Catherine, mais aussi la Saint-Eloi, les fêtes patronales et les classiques bals du samedi soir… Jusqu’au XIXe siècle perdure une ancienne coutume aussi curieuse que brutale : « le marché aux filles ». Des dizaines ou des centaines de jeunes filles à marier sont réunies, dans un champ ou un espace public (à Camblain-Châtelain il s’appelle « La pelouse aux fées « nom poétique pour une tradition qui l’est moins…) Là, elles sont jaugées et jugées comme à la foire aux bestiaux et « adjugées » à leur futur mari ! Déjà vers 1820 ce n’est plus qu’une survivance ici et là. Heureusement la plupart des fréquentations sont basées sur une attirance mutuelle. Un peu de terminologie… Dans le nord ceux qui veulent se marier sont désignés juridiquement : « nupturiants ». En Flandre, se fréquenter se dit verkeren (de l’Allemand verkehren) ; en Artois on dit « aller avec » (transposition littérale de l’allemand mitgehen). Quand les courtisailles sont autorisées officiellement, on dit à Lille « se mettre en promesse ». Si la fille refuse les avances du garçon, elle l’envoie « jouer aux billes ». Quand il a trouvé une fille qui lui plaît, le garçon l’emmène au bal, il est courant qu’ils se retrouvent chaque samedi. Mais le jeune homme l’emmène aussi … boire avec lui. En effet, il parait, du moins de réputation, que les filles du Nord avaient autrefois le gosier très en pente ! Un écrivain du XVIe siècle en parlait déjà. A la fin du XIXe siècle, en région urbaine et minière, certains couples se mettent à vivre en concubinage sans que personne n’y voit d’inconvénient. « Beaucoup de filles se mariaient déjà enceintes, l’église a bien essayé de réagir à maintes reprises contre cette tolérance qui est le reste d’une tradition germanique ancienne ; car avant le christianisme, dans les tribus germaniques, les filles étaient restées maîtresse de faire l’amour avant le mariage, les femmes étant sur un pied d’égalité avec les hommes… »

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-La demande en mariage : La demande en mariage n’a pas le côté officiel qu’elle peut avoir ailleurs, mais la tradition demeure cependant, surtout dans les milieux aisés. Dans les milieux ouvriers, le jeune homme seul va se présenter aux parents. Dans la région de Cassel, la demande est faite à la mère, qui selon le droit germanique avait plus d’autorité que l’homme. Dans les salons de la bonne société, le jeune homme vient, dans l’après-midi, faire sa demande accompagné de ses parents. C’est entre les deux pères que l’affaire se règle… essentiellement d‘ailleurs autour des questions de dot et de biens respectifs. Souvent, les coutumes liées aux fiançailles sont en rapport avec la profession et le groupe social des intéressés. Ainsi, pêcheurs et mineurs ont leurs propres rituels. « Autrefois, lorsqu’une dentellière lilloise se mettait en promesse de mariage, les voisins allaient à sa rencontre en portant sa chaise et son coussin. »

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-Le jour des noces : Au tout début du XIXe siècle, le mariage civil se fait à 15h, on dîne ensuite à 17h, et seulement en fin de soirée, on fête la cérémonie à l’église (22h à Cambrai, minuit à Douai). Quelques rites subsistent longtemps à la campagne, comme l’aspersion des mariés, accompagnés de coups de fusil et de pétards, le tout pour chasser les mauvais sorts… On dit aussi que cela empêche que l’aiguillette du mari ne soit nouée. En Artois, la femme sait tout de suite si son nouvel époux lui est infidèle : quand elle a sa jarretière qui tombe ou son tablier qui se dénoue, sans raison, alors le mal est en train de se faire… Un menu… riche! Le menu des noces comprend nombre de plats. En général la ripaille se compose d’un bouillon, de lapin aux oignons, d’andouille, de salade, de tarte à gros bords… Le tout bien entendu très arrosé, non de vin, mais de bière, ainsi que de cidre, genièvre et café. La propension des gens du Nord à faire la fête en grand est si proverbiale que plusieurs édits royaux ont tenté de limiter officiellement le nombre de convives et les dépenses, pour épargner l’argent des sujets du roi… Et ceci des keures (Règlementation des fêtes) de 1294 aux édits de Charles-Quint et de Philippe II au XVIe siècle. Gaillardises… Les chansons qui accompagnent le repas, puis les danses, sont bien lestes. La gaillardise flamande n’est pas un vain mot ! Bien entendu, la jarretière est un grand moment de la soirée, et certains aux mains prestes en profitent d’un peu trop près… Une fois la vente aux enchères finie, la jarretière est découpée, distribuée et ses restes sont mis à la boutonnière des invités.

°NORMANDIE°

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-Faire sa cour : La jeunesse normande dispose d’une assez grande liberté pour se voir, et la longueur des fréquentations permet quelques légers baisers et caresses qui ne sont pas permis ailleurs. Mais la sagesse et la temporisation normandes sont bien là, sous l’œil vigilant du village ! Les garçons qui jouent les petits coqs de village et courent le guilledou sont bien vite connus de tous et nommés courassiers ou affronteux d’filles (« affronter », c’est tromper). Un garçon qui, à l’inverse est fidèle à une fille, l’accompagne et semble bien amoureux sera son bonémi (bon ami). Les expressions pour parler des filles ne manquent pas non plus ; elles sont même bien plus acerbes ! Si elle est maladroite à se défendre des commérages, «é s’découvre le derrière pour se couvri le chignon »… Si la fille est amoureuse et fait des yeux passionnés : « Ol’ a les yeux de la perdition d’son âme ». Si l’on a des doutes sur sa vertu avant le mariage : « Ol’ a vu l’loup », ou bien « Ol’ a fait pus de la moitié du chemin ». Des goûts et des couleurs… Pour les campagnards normands, le type de la beauté féminine n’est pas la grâce où la gentillesse, c’est la corpulence et l’air de santé. Les blondes sont préférées aux brunes, généralement dénommées « noireaudes » et trouvées laides.

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-La demande en mariage : En Normandie, on se hante (fréquente) très longuement, parfois plusieurs années, avant de faire sa demande en mariage. Fille promise n’est point prise… Ce dicton régional élude un peu l’importance des préliminaires au mariage dans la Normandie du XIXe siècle. (G.Flaubert-Emma Bovary) – Un entremetteur tâte le terrain, nommé « badochet », « chausse-noire » ou encore « brouetteur », en général d’un certain âge et de milieu modeste. C’est avec lui que le jeune homme effectue sa première visite chez les parents de la jeune fille. Les choses se précisent avec la signature du contrat de mariage : les promis « s’enregistrent » à la mairie. Mais le mariage civil reste secondaire par rapport au mariage religieux. Quelques jours avant la cérémonie, les meubles et le trousseau de la fiancée sont transportés à son futur domicile.

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-Le jour des noces : Faits mari et femme : durant la cérémonie, le prêtre bénit les anneaux mais aussi la pièce de mariage : une médaille gravée pour l’occasion ou plus modestement une pièce de cinq francs en argent. Pour l’évangile, un grand voile de tissu blanc est tendu au dessus du couple situé à l’entrée du chœur. D’aucuns cherchent à deviner qui prendra le dessus dans le ménage selon si le voile penche plus d’un côté ou de l’autre… ou encore suivant la façon dont le fiancé enfile l’alliance ! Le repas en général s’étire en longueur, la mariée trône à la table, tandis que l’époux participe au service. Le dîner est interrompu par le « coup du milieu », trêve où l’on cesse de manger pour boire du calvados ou quelque eau-de-vie pour titiller l’appétit : le fameux trou normand! La soirée s’emballe… Au nombre de tapages rituels de la nuit de noce, les jeunes hommes du quartier ou les réveilleurs viennent « chanter les oreillers » aux nouveaux époux. D’un côté les hommes de la noce, de l’autre les femmes, ou la couturière comme porte-parole de la mariée, se répondent pour ce chant du ban ou des orilliers (nous sommes de la Basse-Normandie…) Dans les jours suivants la noce, on célèbre souvent une messe en l’honneur des défunts des deux familles. Dans une partie de la Basse-Normandie, a lieu le lancement de l’éteuf ou de l’éteur, une pelote remplie de son ou d’étoupes par les jeunes époux. Ceux-ci placent une ou plusieurs piécettes dans la balle. Le marié se doit de lancer l’éteuf le plus loin possible, voire par-dessus le toit de l’église. Les jeunes se précipitent pour la récupérer : celui qui la rapporte jusqu’à la mariée gagne l’argent et un ruban ou livrée. De nombreuses variances locales interviennent sur le jour de ce jeu, le lanceur et la portée du tir…

°PAYS BASQUE°

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-Faire sa cour : Dans la société basque traditionnelle, l’importance de la maison d’une part et le droit d’aînesse d’autre part expliquent le soin avec lequel les parents prévoient et préparent le mariage de l’héritier. Les mariages d’amour passent donc au second plan.

Autrefois, on se marie entre « gens du même pays », ce qui signifie entre Basques et par conséquent entre catholiques. C’est presque une loi. Les règles qui président au choix de l’époux sont très précises : le futur conjoint doit habiter à peu de distance, bien sûr appartenir au même milieu social, être choisi en fonction de l’intérêt de la maison et avoir l’assentiment de la famille. Une fois ces critères remplis, les jeunes gens entre dans la phase des fréquentations. De tous les moyens de rencontres, les bals sont les plus importants. Lorsqu’un homme entre comme gendre pour reprendre la ferme de ses beaux-parents, lui-même prend alors le nom des beaux-parents.

-La demande en mariage : Une installation à l’essai… Dès que les jeunes gens se sont choisis et s’ils sont moralement engagés, ils s’installent ensemble et ne s’épousent que d’ordinaire qu’après avoir eu plusieurs enfants. Hatüka ou le transport des biens… Quelques jours avant la noce, généralement l’avant-veille, on procède à une tradition : l’Hatüka. Il s’agit de transporter dans la maison où habitera le futur couple le mobilier et le trousseau qu’apporte le conjoint nouveau venu. Ce cortège est escorté par des musiciens qui jouent du txistu (petite flute) et du tambourin. A la fin de la procession de l’Hatüka, un bon repas est donné à tous les visiteurs. Tout le cortège qui a transporté les biens dans la future demeure s’installe autour de la table familiale. Ils sont rejoints par les parents et les invités, venus apporter leurs cadeaux. Les présents sont en général modestes : il s’agit le plus souvent d’une paire de poules ou poulets, une douzaine d’œufs et quelques litres de vin. Tout le monde se retire après ce premier repas qui commence officiellement les noces.

-Le jour des noces : Deux fiancés mais une seule alliance le jour des noces en Pays Basque car l’homme marié s’abstient en général ici d’en porter. Quelques superstitions sont rattachées à la bénédiction nuptiale. Elle aurait la vertu de sanctifier les vêtements portés ce jour là. Il arrive donc que certaines mariées superposent des robes qui leur seraient utiles pour éloigner les sortilèges pour un grand moment. La robe de mariée est le plus souvent noire pour pouvoir resservir facilement. De plus, pendant la messe, certains époux tiennent un pan de la robe de l’épouse sur leurs genoux. Le but est d’éloigner le maléfice de déficience physique. La journée se poursuit par un repas durant lequel on souhaite de multiples vœux de « nombreuse famille » ou « travaux bénis du ciel ». C’est ensuite l’occasion de jeux, danses, concours et autres distractions plus ou moins bruyantes… Au souper tardif, l’épouse sert ses hôtes car elle devient « l’etxeko andere », c’est-à-dire la maîtresse de maison. Ses droits sont désormais égaux à ceux de son mari et, si elle donne à manger debout aux invités et se sert ensuite, ce n’est pas par servilité mais par commodité. Le soir des noces, dès que les nouveaux époux se sont retirés, il est d’usage de se mettre à leur poursuite. On envahit leur chambre pour les obliger à boire (au moins une gorgée) d’un breuvage généralement amer, fort, nauséabond et le plus infect que l’on puisse imaginer. Pourquoi une telle tradition ? Deux explications sont le plus souvent données. Soit pour renouveler les ardeurs conjugales ou alors leur rappeler que les beaux jours sont désormais derrière eux et qu’avec le mariage commencent les peines et les soucis les plus graves. Cette explication est confirmée par le proverbe basque : « Le jour du mariage est le lendemain du bon temps » !

°PICARDIE°

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-Faire sa cour : « Savant calcul pour déterminer « l’assortiment »… Les vieilles picardes en outre ont un calcul infaillible pour voir s’il y a assortiment : le garçon doit être plus âgé que la fille et le bon rapport se calcule. Ainsi la fille doit avoir au moins la moitié de l’âge du garçon plus sept. L’entourage conseille encore dans le choix de la fille : est-elle bien portante ? A-t-elle des hanches fécondes, une poitrine généreuse ? Elle fera de beaux enfants. Est-elle courageuse, habile de ses mains, respectueuse de ses parents ? A-t-elle de la religion ? Parle-t-on d’elle ? Et si c’est le cas en bien ou alors dit-on qu’on a rien à en dire ? Est-elle causante ? Comment était sa mère, sa grand-mère ? N’y a-t-il pas eu dans sa famille de femme à la cuisse légère ? A propos du garçon, on s’interroge sur sa robustesse, est-il un fils déférent ? Quel est son métier ? N’est-il pas buveux ? On invite au bal la jeune fille pour se faire remarquer positivement. Pour obtenir « l’entrée de la maison », il faut que le garçon fasse la démarche auprès des parents.

PHOTOS MARIAGE 039

-La demande en mariage : La demande va dépendre du milieu social, on relève peu de cérémonial pour les familles modestes. Lorsque les familles ont du bien, un échange plus serré s’annonce. Si les situations sont très confortables, on se mettra d’accord sur un contrat de mariage : communauté réduite aux acquêts le plus souvent. On cite le cas de Rouville dans l’Oise où le contrat de mariage est même paraphé sur une grande pierre dite sorcière. Le cas des Rosières, – La tradition historique de la rosière remonte à saint Médard, personnage célèbre, originaire de Picardie. Il serait le premier à avoir honoré une jeune fille vertueuse en la coiffant d’une couronne de roses. Ce fut une jeunesse de Salency, village natal du saint. Dans l’esprit du saint évêque, il s’agissait de mettre à l’honneur vertu et mérite. Plus tard, au XVIIe siècle, en raison du libertinage ambiant, un chanoine saint-quentinois décida que serait créé, à sa mort, un legs pour distinguer les jeunes filles pauvres et les marier avec une dot. C’était par personne interposée, sa propre sanctification et la vertu d’une ville que l’on rehaussait. L’époux de la rosière était appelé « rosier », sa vertu à lui, on en parle pas !

-Le jour des noces : Lever de grand matin, branle-bas général… Enfin ! Le jour tant attendu est là, les promis, les familles, jusqu’au cousin le plus éloigné, le voisinage vont vivre une journée comme on n’en connaît peut-être qu’une par décennie : les épousailles ! Des pièces sont souvent jointes aux alliances dans le plateau que bénit le prêtre. Ici elles sont partagées, là précieusement conservées. Dans les deux cas, elles sont gages de protection et de souvenir. Le repas de noce est copieux. Les familles pauvres, dans le Santerre, vont parfois dans les fermes pour quêter de quoi organiser le repas des noces. Pour le tout venant des familles, le lapin, le veau et le poulet y tiennent le haut du palais. Cidre, vin, goutte, gâteaux battus et flans à profusion. A la fin du repas, c’est le bal où tout le monde danse. Le violoneux après chaque danse s’écrie : « embrassez vos dames ! » Et les vieux et vieilles y vont de leur chanson picarde, chacun ayant la sienne, toujours la même, parfois celle de son propre père ou mère, chantée d’une voie chevrotante qui tire des rires et parfois des larmes. Une coutume voulait dans le sud de l’Aisne, à Neuilly-Saint-Front, que les mariés aillent boire le vin que l’on versait le long d’une pierre (grès), ce qui permettait de prédire quel serait leur destin à la manière dont la dégustation se déroulait.

°POITOU°

PHOTOS MARIAGE 026

-Faire sa cour : Chanson masculine d’initiation à la cour… Une ronde chantée a été recueillie au début du XXe siècle dans les Deux-Sèvres, dans un village au nom prédestiné : Doux, par Patrice Coirault qui évoque les diverses étapes et modalités d’une cour (« l’amour ») bien accomplie par un garçon. « Et comme disait le pauvr’ vieux en voyant deux amoureux s’embrasser avec cœur : « O leur passera avant qu’o me revene » (Ca leur passera avant que ça me revienne). » A la campagne, une fois les récoltes engagées et les « couvrailles » accomplies, arrive une période attendue de tous. Au cours de longues veillées où une place est faite aux jeux, aux chants et à la danse, se fomentent de nouvelles alliances en attendant le « temps des amours ». Adeline.G dans l’ouvrage de Michel Valière, Amours paysannes, évoque les règles de comportements et de bonnes mœurs que doit suivre un jeune homme eu égard à la famille de la jeune fille qu’il souhaiterait épouser un jour et dont il a entrepris la fréquentation avec l’espoir d’une séduction, certes de la demoiselle, plus encore des parents, du père en particulier, au tout début du XXe siècle.

-La demande en mariage : Premier pas vers les fiançailles… Une fois las d’avoir suffisamment « fait l’amour », c’est-à-dire la cour, les jeunes gens semblent plutôt décidés à se marier. A ce moment-là de leur histoire personnelle, ils n’auront, en principe, rencontrés aucuns obstacles sérieux, qu’il fût d’ordre parental, juridique et surtout religieux. C’est au domicile des parents qu’à lieu les « accordailles ». Après un repas de circonstance, une discussion s’engage autour des apports respectifs. Cette décision ferme d’engagement réciproque est généralement assez facile à prendre, tant le parti de la mariée craint qu’une trop longue et excessive fréquentation vienne à bout de la prétendue patience sexuelle du garçon et de la résistance feinte ou réelle de la demoiselle. Le régime matrimonial sera discuté assez rapidement, le notaire, homme puissant et respecté se chargeant des explications de détail.

-Le jour des noces : La tête pleine d’airs, le cortège déroule ses parures, ses rires, ses joies, ses délires. Le violoneux emmène la compagnie de la maison de la jeune fille à la maison commune, puis généralement à la maison de l’église ou au temple (dans le Mellois) avant de ramener tout son monde à la table commune. Une fois levés de table, les musiciens, la soif apaisée, reprennent leurs instruments diaboliques. Aux danses de caractère : polkas, mazurkas, escotishes, valses, Varsovienne, quadrilles, s’ajoutent indifféremment des danses plus locales, telles La danse des balais, La Limousine, Les Marchoises dans le Montmorillonnais. (La polka piquée de la belle pauline) Tout un programme ! Ou jeunes et anciens rivalisent d’effets, mais aussi de résistance… en attendant une dernière danse de connivence entre les musiciens chargés de détourner l’attention de l’assistance par quelques pitreries ou harangue facétieuse et les témoins chargés du secret départ des mariés (déjà bien fatigués) pour les émotions de leur nuit de noce et par delà vers l’aventure des lendemains : leur vie future…

°PROVENCE°

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-Faire sa cour : Si le cœur historique de la Provence est le « triangle sacré » constitué par Aix, Avignon et Arles, la région déborde dans le Gard et la Drôme, englobant les zones situées à l’est de ces contrées. Un pays à l’identité et à l’histoire fortes, à l’image des amours d’autrefois. Courtiser de-ci, de-là… La tradition populaire conserve le souvenir d’usages permettant aux hommes de faire plus ou moins discrètement leur cour. Lors de la traditionnelle promenade sur les Lices, les Arlésiens lancent des petites pierres dans le tablier des jeunes filles. Dans la même ville pour le Carnaval, on pratique le jeu de la tardolo. Une marmite remplie de fleurs ou de dragées est jetée dans les maisons des jeunes filles que l’on cherche à honorer. En cas de refus, il n’est pas rare de remplacer de telles garnitures par des choses moins agréables et plus odorantes… Aider le sort… La recherche d’un mari donne lieu à des rites religieux : pèlerinages, vœux à la vierge et aux saints, le tout dans des sanctuaires particuliers. On a quelquefois recours à la magie. Bons ou mauvais sorts, talismans, etc… A Manosque, les filles célibataires cherchent ainsi à lire l’initiale de leur futur mari sur une feuille de laurier qu’elles ont glissée dans leur poitrine, et sur laquelle elle ont d’abord gravé plusieurs lettres correspondant à leurs divers prétendants… Du côté des chants… Le véritable « parcours du combattant » effectué ainsi par le prétendant est symbolisé par les chansons populaires dites « à métamorphose ». Toutes décrivent comment la jeune fille tente de fuir son amoureux en changeant d’apparence chaque fois que ce dernier parvient à l’atteindre. (La Cansun de Magali – mirèio 1589)

-La demande en mariage : La tradition de l’enlèvement… Le jeune homme offre à sa promise la modeste mais traditionnelle bago d’ai, petit anneau en verre filé que l’on achète à la foire de Beaucaire. Mais la famille de la jeune fille, lorsque cette dernière est mineure, peut refuser de donner son consentement au mariage projeté. On invoque alors diverses raisons pour justifier une telle décision : inégalités sociale ou financière, divergences politiques entre les deux parties à une époque. Les fiancés ont alors recours à l’enlèvement, reconnu par l’usage. Le jeune couple doit disparaitre pendant trois jours, prenant bien soin de notifier cette décision devant des témoins, auxquels est confiée la délicate tâche d’annoncer la nouvelle aux familles. Une fois rentrée, la jeune fille a ainsi « perdu son honneur ». Son père est moralement contraint de lui faire épouser « l’auteur du délit ». Un article dans le périodique Les Tablettes d’Avignon en 1836 affirme que dans certains villages, ¾ des mariages avaient ainsi pour origine un enlèvement… Pays de droit écrit, la Provence a toujours donné une grande importance aux contrats notariés. Les transactions liées au mariage sont consignées devant notaire, y compris dans les familles relativement modestes.

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-Le jour des noces : La signature du contrat, quelques jours avant les noces, constitue une sorte de rite annonçant le mariage proprement dit. En Arles, la couleur du beau costume qu’arbore la future mariée peut faire référence aux opinions politiques de la famille, dans un pays où l’opposition « blancs » / « rouges » est longtemps restée très vivace. Les royalistes choisissent alors le vert, couleur que Charles X avait choisie comme symbole quand il n’était encore que comte d’Artois. Les rares orléanistes ou bonapartistes ont respectivement recours au bleu et au violet… La cérémonie de mariage est très matinale. Le tout s’achève assurément par des agapes et par un bal. Le repas est agrémenté de chants, répertoire dans lequel figurent bien entendu des chansons gaillardes « admises par long usage ». Comme cela se faisait aussi pour les banquets de confréries, les musiciens dédient à la mariée un morceau particulier que l’on appelait l’èr di graci (air d’action de grâce). Les Charivaris… Les mariés sont soumis à d’étroites obligations envers la communauté. Le mari doit s’acquitter, surtout en secondes noces, du droit symbolique de « rachat » : lou guierdoun ou la peloto, qui est constitué par un don en argent effectué auprès de l’Abbé de la Jeunesse, responsable symbolique des jeunes. En cas de refus, ces derniers se réservent le droit de faire un charivari. Ils viennent faire du chahut sous les fenêtres des conjoints, le tout s’accompagnant parfois de violences. A Toulon et Gonfaron, on brûlait une charogne d’âne dans la rue. Le charivari est encore attesté à Fontvieille en 1943, et même à Mormoiron dans l’immédiat de l’après-guerre…

°PYRENEES°

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-Faire sa cour : La liberté sexuelle chère au Moyen Age reste courante dans Les Pyrénées, jusqu’au XIXe siècle. Les paysannes pyrénéennes sont assez libérées, la virginité jusqu’au mariage n’étant vraiment prônée que dans les couches bourgeoises des piémonts. Des jeux amoureux et sexuels… Les veillées d’éboguage des châtaignes ou d’effeuillage du maïs sont le cadre de jeux érotiques comme le Cotolo gascon qui se joue lorsque les jeunes se retrouvent seuls. L’étymologie du mot cotolo, le couteau de poche, est particulièrement évocatrice quant à la connotation phallique de la pratique, qui consistait en la fouille des participants en vue de la découverte du fameux cotolo. Les règles de ce jeu, où les filles sont tout aussi téméraires que les garçons, sont mâtinées d’un colin-maillard plutôt coquin : l’intéressée doit chercher l’objet dans les corsages ou jupes des filles… Dans tous les cas, un baiser vient récompenser le judicieux découvreur ou la perspicace fouilleuse. De véritables assauts collectifs… en Haut-Couserans notamment ! Commis par des jeunes filles sur des personnes du sexe opposé. Mais attention, les règles sont strictes : « l’attaque », ainsi qu’elles la dénomment est menée contre un homme extérieur au village et toujours célibataire (nous sommes rassurés), capturé et abusé sexuellement par le groupe féminin. Au dire des témoignages, la proie ne se fait pas longtemps prier pour participer aux ébats et aucune « victime » ne s’est jamais plainte de son traitement ! Le Carnaval, ainsi que la Saint-Jean, restent des fêtes où la sexualité est bien présente. Le soir de Mardi-Gras, à Poubeau en Comminges, les jeunes gens du village font un grand feu de paille autour de mégalithe. Des gestes obscènes accompagnent ce rite au caractère phallique bien trempé…

-La demande en mariage : Dans la société pyrénéenne autarcique, le choix du conjoint est dicté par des impératifs essentiellement économiques. L’élu ou l’élue doit être de la même condition sociale, provenir de l’endroit le plus proche, et surtout, présenter l’avantage de valoriser les intérêts de la maison, avec l’entière approbation de la famille. On le voit bien, concrètement, il est laissé peu de place aux jeux de l’amour et du hasard. A travers les fonctions publiques et confessionnelles, les maires et curés sont également fortement sollicités. Sous le premier empire, les sous-préfets sont chargés, on ne peut plus officiellement, d’établir des listes des meilleurs partis où est mentionnée la dot présumée de la demoiselle, assortie d’une description physique de l’intéressée, ainsi que des observations concernant ses qualités et sa moralité ! « Marie ton fils quand tu voudras et ta fille quand tu pourras ».

-Le jour des noces : En vallée de Bethmale, dans le Couserans, La tradition veut que le fiancé offre à sa promise une quenouille sculptée de motifs géométriques et peinte de la couleur symbolique du mariage dans les Pyrénées, à savoir le rouge. En haute-Ariège, on fonde le foyer au sens réel du terme : le soir des noces, les jeunes mariés disposent de part et d’autre de la cheminée les chenets de mariage offerts par les parents. L’époux pose le sien à gauche, tandis que l’ander féminin est placé à droite. Ils symbolisent l’union du couple au sein du foyer. Dans les vallées voisines du cirque de Gavarnie, à l’époque du droit d’aînesse, le repas de noces se tient généralement dans la maison où l’on va se marier. On tue pour l’occasion un veau, un mouton, des volailles… Le festin se déroule à midi, après la cérémonie, et les festivités peuvent durer plusieurs jours. Celui qui vient de se marier, gendre ou belle-fille, amène son trousseau de linge. L’alliance en or n’est achetée que pour la mariée.

°REUNION°

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-Faire sa cour : Mi aime à ou ! Dire l’amour en créole, c’est forcément plus doux, plus fort, plus vrai. On « cause avec », on se bécote au bal ou au carrousel, on joue des romances sous le balcon des belles, sur des mélodies de blues à la mode Bourbon… Un paradis sans Eve : (références)… En 1665, l’Isle Bourbon, jusque là déserte, voit arriver sa première vague de peuplement : deux cent cinquante hommes et huit femmes. Les vagues suivantes, colons et esclaves, ne comptent aussi qu’un pourcentage féminin dramatiquement faible. Matelots à bout de course, paysans ruinés, orphelines et « filles perdues », métisses indo-portugaises, « fourbans » hollandais et anglais : promiscuité et rareté de la gent féminine font éclore d’emblée une société permissive où races et cultures dansent la ronde des amours. « La Compagnie des Indes, plus soucieuse des quintaux de maïs que des besoins de tendresse de nos pauvres bougres d’aïeux, les a menés dans un petit paradis verdoyant et giboyeux, mais qui manque cruellement d’Eve… » Pour la population rurale dispersée dans les Hauts de l’île, la messe du dimanche est la seule occasion de demander la main de la femme choisie par ses parents : endogamie forcée par l’isolement où la consanguinité fera des ravages. Dans les villes, le choix est bien plus varié, comme les occasions de rencontres et de drague. Romance l’amour… Blues à la mode de Bourbon, c’est une valse lente qui ne parle que d’amour.

-La demande en mariage : « Faire sa demande se dit « offrir son âme » et accorder sa main « livrer son corps », expressions imagées du langage courant donnant à réfléchir ! » Dans toutes les classes sociales, on suit le même rituel et on le fête selon ses moyens. Le jeune homme, en costume du dimanche, se présente au domicile de sa bien-aimée, et demande à être reçu comme prétendant officiel. On fixe la date pour passer les accords. La cour d’amour… Promis et promise vont en couple au bal, en visites chez les familles… Le temps des fiançailles peut durer assez longtemps. Si le fiancé fait des études ou carrière dans les colonies, avant de partir il doit « boire siguide », philtre de fidélité, préparé par le vieux tisaneur malgache et se voit doté d’un porte bonheur (mouchoir brodé).

-Le jour des noces : Le grand jour… Sur un jupon de mariée, il faut du vieux, du neuf, du bleu. On ne connait pas la fleur d’oranger. La reine du jour, au bras de son père, est précédée des jouars : violon, mandoline, accordéon, trompette, grosse caisse. Cantiques par la chorale, le « oui » qui lie pour toujours, bénédiction des alliances, consécration du couple à la Vierge, signature du registre. Le repas traditionnel (riz, grains secs et viandes épicées, cuits au feu de bois), arrosé de vin et rhum du pays, s’étire de midi à minuit… A minuit, on descend la couronne sur les mariés qui doivent s’embrasser et on partage le « gâteau monté », trois étages de génoise nappée de sucre épais, « étouffe belle-mère » qu’on fait descendre à grand coup de liqueur.

°SAVOIE°

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-Faire sa cour : En Savoie, à côté d’une obligation très stricte d’endogamie dans le choix du conjoint, les mœurs avant le mariage sont très libres, en particulier dans les Alpages. Un fait qui n’a pas manqué de surprendre et d’appeler les commentaires des moralistes… « Kan yat û boû ou a ruzhyézh, i pa pû shî eranzhèzh » : Quand il y a un bon os à ronger, ce n’est pas pour un chien étranger. En Savoie, comme dans de nombreuses communes paysannes de France, il est assez mal vu de chercher à épouser quelqu’un qui ne soit pas du village. Pour défendre les filles du village contre les incursions d’autres gars qui avaient décidé de venir voir si elles étaient plus jolies par ici, on leur jette des pierres et on les affuble de sobriquets : train-na-pacot (traine la patte), serra-cul, machuré… Sur, ils ne reviennent plus ! Parfois, les jeunes filles montent faire les bergères sur les alpages, les garçons restés en plaine les rejoignent aussi souvent qu’ils peuvent. Un médecin à constaté que sur trente filles d’une vallée de Haute-Savoie, il n’y en a guère plus de deux ou trois qui sont encore vierges la veille de leur mariage. Courir la trosse… Ce n’est que de nuit que l’on va faire sa cour : il faut d’abord être admis sous la fenêtre, ensuite sur le seuil de la porte ; et après qu’il a été reçu dans la maison et agréé, l’amant doit passer la nuit, tout habillé, sur le lit de sa maîtresse. Cette espèce d’épreuve, qui en d’autres pays, alarmerait la pudeur, est ici sans aucun danger : cela s’appelle « courir la trosse. »

-La demande en mariage : La dot est ici comme ailleurs, un élément très important des préparatifs du mariage. Quelquefois une dot insuffisante peut motiver un refus de la part des parents… Elle se compose souvent de biens : meubles, tête de bétails, ustensiles de cuisine, quenouille ; et parfois aussi d’argent (en livre ou florins). Mais une coutume savoyarde intéressante est que la mariée n’est pas seule à donner : la « dot » du mari, qui s’appelle l’augment, est égale à la moitié (en Maurienne, au quart) de la dot de l’épouse. A rives, faubourg de pêcheurs de Thonon situé sur l’emplacement d’une ancienne cité lacustre, il existait encore vers le milieu du XVIIIe siècle un ensemble de cérémonies matrimoniales particulières. Le jour de la Saint-Pierre, patron des pêcheurs, après une promenade des deux familles sur une barque ornée de feuillages, on revenait vers la terre. Le jeune homme et la jeune fille entraient pieds nus, dans l’eau : les assistants récitaient un Pater et un Ave ; la jeune fille appuyait sa main droite contre la main gauche du jeune homme, puis ils plongeaient ces deux mains dans l’eau et ramenait ensemble une pierre que le père du jeune homme, où à défaut un de ses parents, cassait en deux, et dont il remettait une moitié à chacun des fiancés ; alors tous s’écriaient : « Que Dieu les éclaire et que Saint-Pierre leur vienne en aide ». Ces fiançailles n’étaient que provisoires et dites d’attente ou d’épreuve : elles devenaient définitives et irrévocables si, à la Saint-Pierre suivante, le jeune homme et la jeune fille, entrant de nouveau dans l’eau, en puisaient un peu dans leur main et se donnaient mutuellement à boire. A ce moment les assistants criaient : « Saint-Pierre, reçois-les dans ta barque ! ». D’où vient que pour annoncer un mariage, on disait : « ils ont bu dans la main l’un de l’autre ».

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-Le jour des noces : Les rites qui accompagnent le jour du mariage sont nombreux. Beaucoup parlent du départ vers une vie nouvelle et de passages… Détail qui mérite d’être signalé car il est rare dans les autres provinces françaises : le fiancé aussi se rend à la maison de sa promise et fait partie du cortège, fermant en général la marche tandis que la fiancée l’ouvre. Il la voit donc avant l’église. Rites de passage… En Maurienne, la mariée doit sauter par-dessus un banc placé au milieu de la travée centrale de l’église. Si le saut est agile, le mariage sera réussi. Parfois, un service funèbre est célébré après le mariage pour symboliser la mort de l’ancienne vie de célibataire des époux et le début d’une nouvelle vie, qu’on espère féconde. Se dirigeant vers le repas de noce, la mariée se cache, charge aux garçons d’honneur de la retrouver et de la ramener au mari. Ils ne s’attableront pas avant. C’est déjà bien gris et bien lesté qu’on arrive à la grande table des noces, un plat typique est servi : les farcies, un mélange de pommes de terre, pain, lard, lait, farine, pruneaux, raisins et épices. La croix de Savoie… , à l’occasion de son mariage, on disait que le jeune homme « enchaînait » ou « ferrait » son épouse en lui offrant la croix traditionnelle en or. Le terme « esclavage », qui désignait les bijoux du mariage, exprimait alors l’appartenance de l’épouse à son mari, encore soulignée, le jour des noces, par le port du fian rituel.

°VAL DE LOIRE°

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-Faire sa cour : La recette de séduction ensorcelée… En Beauce, les galants utilisent parfois la recette donnée dans le fameux livre de sorcellerie, Le Petit Albert : « Vivez chastement, au moins pendant cinq ou six jours, et le septième, qui sera le vendredi, si faire se peut, mangez et buvez des aliments de nature chaude, qui vous excitent à l’amour, et quand vous vous sentirez dans cet état, tachez d’avoir une conversation familière avec l’objet de votre passion et faites en sorte qu’elle puisse vous regarder fixement, vous et elle, seulement l’espace d’un Ave Maria ; car les rayons visuels, se rencontrant mutuellement, seront si puissants véhicules de l’amour, qu’ils pénétreront jusqu’au cœur, et la plus grande fierté et la plus grande insensibilité ne pourront leur résister. Il est assez difficile de séduire une jeune fille qui a de la pudeur, et de la faire regarder fixement un jeune homme durant quelques espace de temps, mais on pourra l’obliger à cela, en lui disant, en badinant, qu’on a appris un secret à deviner par ses yeux, si l’on doit être bientôt mariée, où si l’on vivra longtemps, si l’on sera heureuse dans son mariage, ou quelque chose autre semblable qui flatte la curiosité de la personne, et qui la fasse résoudre à regarder fixement (…) ». Encore fallait-il ensuite cacher à l’élue et à sa famille qu’on avait lu Le Petit Albert sous peine d’être pris pour un sorcier ! Ainsi, en 1910 dans le sud de l‘Indre-et-Loire, un père avait encore refusé sa fille à un prétendant qui, selon ce qu’affirmait la rumeur publique, aurait détenu chez lui Le Petit et Le Grand Albert. Les occasions de rencontres entre jeunes gens sont assez nombreuses et libres, sous le regard discret des parents : veillées, mais surtout bals, assemblées, foires régionales… C’est au cours du déjeuner du dimanche, que le jeune homme sera agréé lors des fréquentations.

La demande en mariage : De longues fréquentations… cette période peut atteindre cinq ans, durant lesquels les promis ont le droit à certaines privautés, étreintes et baisers, tolérés par la morale publique : « Si on ne touche qu’au dessus du sac, il n’y a pas grand mal ». En Touraine, jusque la fin du XIXe siècle, la demande en mariage est faite par l’âne-bure qui, en général a arrangé l’union, en accord avec les deux familles. Plusieurs semaines avant le mariage, les bans sont publiés et les fiancés sont dans la bouête. Mais en Touraine, ni les parents ni les mariés ne doivent assister à la publication des bans de l’église. S’ils s’entendaient bancher, les futurs mariés auraient des enfants morveux… La veille du grand jour, la mère de la mariée brûle son balai, pour s’assurer du beau temps le lendemain.

-Le jour des noces : Le matin est consacré à la cérémonie religieuse, l’après-midi au déjeuner et le soir au bal. A partir de la seconde moitié du XIXe siècle, la mariée porte une robe blanche et une couronne de fleurs d’oranger, symbole de virginité. Si la jeune fille n’est plus vierge, on dira alors « qu’elle a fêté Pâques avant les rameaux », elle n’a alors pas le droit au voile, ni à la couronne. La couronne est en général préservée sous globe et soigneusement conservée par le couple. A l’église, de part et d’autre brulent des cierges, si les flammes portent à droite, le ménage aura une vie calme. Une flamme grésillante annonce une vie tourmentée. A la fin d’un copieux déjeuner, place est donnée aux chansons lestes et à la livrée : les fleurs du bouquet de la mariée sont livrées aux invités en échange d’une quête faite au profit des mariés. Avec le produit de cette quête, les jeunes gens profitent de la fin du déjeuner pour aller acheter les cadeaux chez le mercier du bourg. En attendant le repas du soir, on danse ou l’on fait une promenade digestive. Le dîner est plus libre que le déjeuner. Pendant le repas, les mariés s’éclipsent discrètement pour consommer leur union. Puis au cours du dîner, les cadeaux sont offerts et notamment Le Cochelin, cadeau des parrains et marraines.

7 réponses à « « Amours et mariages en France d’autrefois » »

  1. Bonjour, bravo pour votre article très remarquable! Je suis captivé par ce theme. Grâce à votre site que je viens découvrir, je vais en découvrir davantage. Amicalement.

    1. Merci à vous! Amicalement.

  2. […] found this fascinating article about the marriage customs in different regions of France. It’s in French only, but you’ll get […]

  3. Avatar de André Lemoine
    André Lemoine

    Bonjour, un très beau travail de recherche et une rédaction soignée. Bien cordialement.

    1. Bonjour, Merci à vous.

  4. […] “amours et mariage en France d’autrefois”, sur le blog Libres Chroniques de Laurence .C, journaliste et éditrice. L’auteur recense les traditions par régions. Je vous en conseille la lecture. […]

  5. A reblogué ceci sur – Libres chroniques –et a ajouté:
    Comeback – Voici un des 1ers articles de ce site que j’ai publié en 2013 :)

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